Fracture de l'extrémité inférieure du radius chez l'adulte

mise à jour
Mise à jour 18/03/2021

INTRODUCTION/GÉNÉRALITÉ

  • Les fractures de l’extrémité inférieure du radius font partie des traumatismes ostéoarticulaires les plus fréquemment diagnostiqués dans un service d’accueil des urgences.
  • Historiquement considérées comme « relativement bénignes » et associées à peu ou pas de séquelles, ces fractures souffraient d’une certaine « négligence » thérapeutique.1 Ces principes de prise en charge ont été largement remis en cause au cours des trente dernières années.
  • En réalité, l’extrémité inférieure du radius possède une structure et un environnement anatomique complexe. Elle est indissociable du cadre antébrachial et, en particulier, de l’extrémité distale de l’ulna. Par ailleurs, contrairement à ce qui est couramment énoncé, ces lésions sont très fréquemment articulaires, avec une participation de l’articulation radio-carpienne et/ou radio-­ulnaire distale par le biais de refends fracturaires dont le déplacement est souvent significatif.1 1
  • Enfin, les noms de fractures éponymes (Pouteau-Colles, Goyrand-Smith ou Gérard-Marchand) ne sont plus vraiment d’actualité car ils n’ont pas de correspondance internationale et biaisent, en la simplifiant, l’analyse correcte de ces fractures.

ANATOMIE

A) Rappels anatomiques : Articulation du poignet ou articulation radio-carpienne

  • L’extrémité inférieure du radius est biarticulaire, en répondant à la fois au carpe par la glène radiale et à la tête de l’ulna par l’incisure ulnaire du radius, expliquant qu’entre 50 et 80 % des fractures de l’extrémité inférieure du radius ont une participation articulaire.1 
  • Elle constitue un bloc épiphysométaphysaire distal hétérogène et complexe de forme schématiquement triangulaire à base médiale et à sommet latéral qui s’effile par la styloïde radiale.
Morphologie de l’extrémité inférieure du radius. Noter l’inclinaison de la surface articulaire (trait bleu).
  • Les corticales ventrale et médiale sont épaisses et résistantes, à la différence des corticales dorsale et latérale, plus fines, expliquant en partie la fréquence des déplacements fracturaires en bascule postérieure et latérale de l’épiphyse radiale avec horizontalisation de la ligne bistyloïdienne.1 L’extrémité inférieure du radius est par ailleurs remplie d’un tissu osseux spongieux dense et renforcé de travées verticales s’opposant aux contraintes axiales transmises du carpe au squelette antébrachial. L’ostéoporose a une action péjorative globale sur cette structure, en altérant à fois la densité du tissu spongieux, avec raréfaction des travées osseuses, mais aussi l’épaisseur corticale.
Épaisseurs comparées de la corticale ventromédiale, épaisse et résistante et de la corticale dorsolatérale, plus fine

1) Structures

  • Type : articulation condylienne entre le radius et le ligament triangulaire en haut, et les 3 os de la rangée supérieure du carpe en bas : Scaphoïde et lunatum s'articulant avec le radius et Triquetrum s'articulant avec le ligament triangulaire.
  • Moyens d'union : capsule articulaire et ligaments qui sont en connexion intime avec les gaines des tendons fléchisseurs des doigts en avant et des tendons extenseurs en arrière.

2) Mobilité

3 degrés de liberté sont nécessaires :

  • Flexion palmaire/extension dorsale du poignet : amplitudes +85°/-85°
  • Abduction (inclinaison radiale)/adduction (inclinaison ulnaire) : 25°/45°
  • Prono-supination : à partir d'une position neutre du poignet, pouce dirigé vers le haut, coude au corps à 90° de flexion : amplitudes +90°/-90°

B) Radio-anatomie

1) Cliché de face

  • Index radio-ulnaire distal NEGATIF et égal à -2 mm : décalage compté en mm entre 2 lignes horizontales, l'une passant par l’extrémité distale du radius, et l'autre par l'extrémité distale de l'ulna
  • Diastasis radio-ulnaire distal NUL
  • Inclinaison frontale de la ligne bi-styloïdienne de 15° par rapport à l’horizontale
  • Inclinaison frontale épiphysaire radiale en dedans de 25° par rapport à l’horizontale (l'épiphyse radiale regarde en bas, en avant et en dedans)

2) Cliché de profil

  • Inclinaison épiphysaire radiale sagittale : antéversion de 10-12° par rapport à l'horizontale

Données numériques morphologiques de l’extrémité inférieure du radius, avec sa double inclinaison ventrale et médiale très spécifique. L’index radio-ulnaire distal, défini par la longueur relative du radius par rapport à l’ulna, est le troisième critère morphologique à évaluer.

 

PHYSIOPATHOLOGIE

A) La personne agée : Le plus fréquent

Classiquement, il s'agit :

  • D'une personne de plus de 60 ans
  • D'une femme
  • Ostéoporotique
  • Qui présente de nombreux facteurs de risque de chute
  • Et qui chute à répétition
  • Le mécanisme lésionnel classique est une chute de sa hauteur (traumatisme à basse énergie)

1) Fractures par COMPRESSION - EXTENSION : déplacement POSTERIEUR de l'épiphyse radiale (Le plus fréquent+++ )

a) Mécanisme associant :

  • compression axiale 
  • et hyperextension du poignet souvent provoqué par le poids du corps dans la chute, vers l’avant.

b) Le fragment épiphysaire radial est déplacé selon 3 composantes :

  • Bascule postérieure qui oriente la glène radiale en bas et en arrière, 
  • ascension par impaction de l’épiphyse dans le fragment proximal avec raccourcissement du radius 
  • et tassement externe se traduisant par l'horizontalisation de la ligne bi-styloïdienne.

= Correspondent aux fractures de Pouteau-Colles

2) Fractures par compression-flexion : déplacement antérieur de l'épiphyse radiale

a) Mécanisme associant :

  • Soit une compression axiale sur un poignet en extension modérée (sans déplacement du corps parallèle au sol vers l’avant, comme cela est le cas dans les fractures en compression-extension) : chute en arrière par exemple 
  • Soit, plus rarement, une compression axiale et une hyperflexion du poignet

b) Le fragment épiphysaire radial est également déplacé selon 3 composantes :

  • bascule antérieure qui exagère l'antéversion normale de la glène radiale
  • ascension
  • tassement antéro-externe

= Correspondent aux fractures de Goyrand-Smith

Le déplacement postérieur est lié à un mécanisme dit en compression-extension. Le déplacement antérieur est lié à un mécanisme dit en compression-flexion.

B) Le patient jeune

  • Plus rare
  • Patient jeune, homme, pratiquant des activités mettant en jeu de hauts niveaux d'énergie (sport mécanique, ski…) ou subissant un accident à haute énergie (AVP, défenestration…)
  • La fracture est alors souvent complexe : fracture comminutive voire éclatement métaphyso-épiphysaire

ÉPIDÉMIOLOGIE

  • Lésion la plus fréquente des lésions osseuses traumatiques.
  • Les fractures de l’extrémité inférieure du radius ont une incidence annuelle comprise entre 250 et 440 cas pour 100 000 habitants, et plus de 1 traumatisme du poignet sur 2 (56  %) est associé à une fracture de l’extrémité inférieure du radius.1 1
  • L’ostéoporose est la principale comorbidité favorisant ces lésions fracturaires. Ces dernières inaugurent les complications liées à l’ostéoporose en précédant de 10 à 15 ans en moyenne la fracture de l’extrémité supérieure du fémur ou les fractures vertébrales.1
  • 2 pics de fréquences :
    • Avant 40 ans (H > F) : les sujets jeunes ne sont pas épargnés par les traumatismes de l’extrémité inférieure du radius, souvent à haute énergie (accident sur la voie publique, accident de sport ou de travail) et dont les séquelles fonctionnelles peuvent être redoutables.
    • Après 40 ans : augmentation linéaire progressive chez la femme. Ainsi, la femme âgée, est la cible privilégiée de ces fractures, avec un sex-ratio de 3 femmes pour 1 homme.1

CLASSIFICATION

Les classifications lésionnelles utilisées à l’heure actuelle sont le fruit d’un processus de compréhension du traumatisme et de ses séquelles qui s’est échelonné sur plusieurs décennies. L’analyse de la fracture doit être focalisée sur les caractéristiques des 3 composantes anatomiques :

  • métaphysaire, reliée au sens du déplacement fracturaire 
  • épiphysaire, reliée aux lésions articulaires 
  • ulnaire, reliée aux lésions associées ostéoligamentaires.

1) Au niveau métaphysaire le déplacement peut être postérieur ou antérieur

  • En ce qui concerne le déplacement postérieur, il est important de se souvenir que la surface articulaire regarde vers l’avant. En d’autres termes, dès que cela n’est plus le cas, même si la surface articulaire n’est pas orientée vers l’arrière, il s’agit d’un déplacement postérieur. Classiquement, le déplacement postérieur est lié à un mécanisme dit en compression-­extension, c’est-à-dire une chute sur la main, le poignet étant en extension.
  • Le déplacement est dit antérieur s’il y a une exagération de l’orientation antérieure de l’épiphyse radiale. Ce déplacement est classiquement lié à un mécanisme dit en compression-flexion, c’est-à-dire une chute sur la main, le poignet étant en flexion.
  • La plupart du temps, ce déplacement postérieur ou antérieur s’accompagne également d’un déplacement externe, avec un tassement au niveau de la corticale latérale.
  • Outre le déplacement antérieur, postérieur ou latéral, il est très important d’analyser au niveau du foyer de fracture métaphysaire l’importance de la comminution qui peut être uniquement postérieure, ou antérieure, ou circonférentielle, ce qui conditionne la stabilité de la fracture et oriente vers le type d’ostéosynthèse à réaliser.

2) L’analyse de l’épiphyse

  • Elle va permettre de déterminer si la fracture est articulaire ou extra-articulaire. Dans la très grande majorité des cas, la fracture est articulaire. Il existe très fréquemment un fragment postéromédial qu’il est important de rechercher car il faudra le stabiliser lors du traitement. Mais la fracture articulaire peut être plus complexe, en T ou en croix. Enfin, il peut exister des enfoncements de fragments ostéochondraux à l’intérieur du spongieux épiphysaire (appelé par les Anglo-Saxons « die punch »).
  • Sur les fragments épiphysaires s’attachent les ligaments radiocarpiens. Ainsi, une traction dans l’axe permet, par le biais de ses ligaments (effet de ligamentotaxis), de réduire au moins partiellement la fracture. En revanche, les fragments ostéochondraux qui sont enfoncés dans le spongieux n’ont pas d’attaches ligamentaires et ne se réduisent pas par les manœuvres de traction. Il peut arriver que les fractures soient uniquement épiphysaires. C’est le cas des fractures dites marginale antérieure, marginale postérieure et cunéenne externe. Cette dernière est importante à connaître et à dépister car elle s’accompagne relativement fréquemment de lésion ligamentaire intracarpienne, notamment scapholunaire.
 Le plus souvent, les traits de fractures épiphysaires sont complexes, avec un fragment postéromédial associé à un morphotype en T ou en croix.

3) il est important d’analyser le versant ulnaire

Pour savoir si la fracture de l’extrémité inférieure du radius est isolée ou bien associée à une fracture de l’extrémité distale de l’ulna ou encore à une fracture de la styloïde ulnaire. Cette fracture est l’équivalent d’un arrachement du ligament triangulaire du carpe et peut être source d’instabilité radio-ulnaire distale. Il faut également analyser le rapport entre l’épiphyse radiale et l’épiphyse ulnaire, à la recherche d’une inversion de l’index radio-ulnaire témoin d’une ascension de l’épiphyse radiale.Ainsi, la fracture de Pouteau-Colles est une fracture métaphysaire à déplacement postérieur sans trait de refend articulaire. Elle est finalement relativement rare. La fracture de Goyrand-Smith est une fracture méta­physaire à déplacement antérieur. Enfin, la fracture de Gérard-Marchant associe une fracture de l’extrémité inférieure du radius (FEIR) à déplacement postérieur et une fracture de la styloïde ulnaire.

Fracture de la styloïde ulnaire. Elle peut être source d’instabilité radio-ulnaire distale.

 

 

 

EXAMEN CLINIQUE

A) Interrogatoire

  • Terrain : Femme, âgée, ostéoporose/jeune polytraumatisé ; profession, main dominante, habitus pour la stratégie thérapeutique
  • Mécanisme lésionnel
  • Circonstance de la chute
  • Signes fonctionnels : Craquements audibles lors du traumatisme, impotence fonctionnelle totale passive et active du poignet, douleurs vives à la face postéro-latérale du poignet.
  • Bilan préopératoire : heure de l'accident, horaire du dernier repas, antécédents médicochirurgicaux, tares contre-indiquant un traitement chirurgical, traitement habituel (traitement anticoagulant ++).

B) Examen physique: Bilatéral et comparatif.

1) Signes positifs de fracture :

a) Inspection :

  • Poignet tuméfié, œdématié, +/- ecchymose
  • Attitude du traumatisé du membre supérieur : le membre atteint coude au corps est soutenu par le membre sain
  • Impotence fonctionnelle totale
  • Déformations.

Fractures à déplacement postérieur :

  • De face : aspect en main botte radiale = saillie médiale de la styloïde ulnaire + translation latérale de la main en baïonnette + élargissement du poignet.
  • De profil : déplacement postérieur en dos de fourchette

Fractures à déplacement antérieur (Fractures de Goyrand-Smith) :

  • De face : aspect en main botte radiale 
  • De profil : ventre de fourchette

b) Palpation

  • On recherche une zone douloureuse au bord latéral du poignet à la palpation de la styloïde radiale au-dessus de la tabatière anatomique.
  • La styloïde radiale est ascensionnée avec horizontalisation de la ligne bistyloïdienne (signe de Laugier).
  • Petite mobilité passive du poignet qui signe le caractère extra-articulaire et engrainé de la fracture.

2) Lésions associées :

  • Cutanées : contusion, ecchymose, ouverture en regard de la tête ulnaire de dedans en dehors (stade I de Cauchoix).
  • Vasculaires : palpation systématique des pouls périphériques
  • Nerveuses : nerf ulnaire et nerf médian. Ce dernier pouvant être comprimé par l'hématome dans le canal carpien ou par le déplacement antérieur de la fracture et exploré par la sensibilité des 3 premiers doigts et pince pouce-index ( = syndrome du canal carpien aigue).
  • Osseuses : fracture du col de l’ulna, lésions des os de la 1ère rangée du carpe (fracture du scaphoïde, luxation du semi-lunaire), entorse ou subluxation radio-ulnaire distale
  • Musculo-tendineuse : incarcération dans le foyer de fracture du tendon du long extenseur du pouce (perte de l’extension active du pouce à rechercher systématiquement).1

EXAMENS COMPLÉMENTAIRES

A) Radiographies du poignet : Face, profil et 3/4 si fracture articulaire

L’analyse du cliché porte sur 4 éléments :

1) Epiphyse radiale

a) Trait de fracture :

  • Fracture articulaire ou extra-articulaire.
  • Nombre de fragments : fracture simple, complexe ou comminutive
  • Appréciation de la comminution corticale postérieure

b) Déplacement :

→ De Face :

  • Bascule latéral sur le cliché de face de l'épiphyse radiale.
  • Horizontalisation de la ligne bi-styloïdienne.
  • Index radio-ulnaire distal nul ou positif.

→ De Profil :

  • Bascule antérieur (Goyrand-smith) ou postérieur (Pouteau-Colles) sur le cliché de profil.
  • Horizontalisation de la glène radiale (perte de l'antéversion naturelle : la surface articulaire regarde en bas et en arrière) si bascule postérieure. 
  • Ou exagération de l'antéversion de la glène si bascule antérieure.

2) Extrémité distale de l’ulna :

  • Fracture de la styloïde ulnaire : très fréquent due à l’arrachement de l’insertion du ligament triangulaire : fracture de Gérard-Marchand.
  • Fracture du col ou de la tête ulnaire

3) Articulation radio-ulnaire distale :

  • Diastasis radio-ulnaire : normalement absent

4) Bilan des lésions associées :

  • Rechercher une déminéralisation osseuse diffuse (ostéoporose radiologique)
  • Rechercher une fracture des os du carpes associées.
  • Rechercher une lésion ligamentaire intercarpienne dont lésion du ligament SCAPHO-LUNAIRE : Les trois arcs de Gilula et interligne carpien

→ Les trois arcs de Gilula : Ces 3 lignes sont normalement régulières et continues. Leur rupture signe une instabilité du carpe :

  • Le premier unit les faces supérieures des os de la première rangée, 
  • le second leur face inférieure, 
  • le troisième la face supérieure du capitatum et de l'hamatum. 

–> Les interlignes carpiens : ils doivent apparaître réguliers et d’épaisseur superposable (en particulier les interlignes scaphotrapézien et lunotriquétral), ne dépassant pas 2 mm. Un interligne scapholunaire supérieur à 2 mm traduit ainsi une dissociation scapholunaire (signe de Terry-Thomas).1

  • Normale : les interlignes articulaires carpiens sont inférieurs à 3 mm d'épaisseur et sont parallèles et les arcs de Gilula sont harmonieux
  • Lésion ligamentaire : diastasis ≥ 3 mm sauf en cas d'hyperlaxité où il existe un diastasis physiologique (clichés bilatéraux comparatifs ++).1

B) TDM du poignet

  • Si fracture complexe
  • En 2ème intention 

C) Bilan pré-opératoire

DIAGNOSTICS DIFFÉRENTIELS

A) Luxation radio-ulnaire distale.

  • Syndrome d'Essex-Lopresti associant une fracture de la tête radiale et une luxation radio- ulnaire distale (rupture de la membrane interosseuse et du TFCC).
  • a. Diastasis radio-ulnaire distal (*) : notez l'aspect d'ulna long (faux raccourcissement du radius par ascension post- traumatique). 
  • b. Translation dorsale de l'extrémité distale de la tête ulnaire.

B) Luxation périlunaire du carpe.

  • Image 1 : Angle radiolunaire normal.
  • Image 2 : Luxation périlunaire du carpe. Notez la perte de l'alignement radius–lunatum–capitatum–M3 avec un lunatum en situation palmaire (pointillés blancs).

 

ÉTIOLOGIE

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COMPLICATIONS

A) Complications immédiates

  • Prévalence : 20 - 30% des cas, plus fréquentes dans les fractures articulaires.
  • Lésions associées : cutanées (fracture ouverte), vasculaire (pouls radial et ulnaire), nerveuses (syndrome du canal carpien aigu)
  • Décompensation de comorbidités associées.
  • Complications liées à l'anesthésie générale ou loco-régionale (bloc axillaire).
  • Complications peropératoires : section de la branche sensitive du nerf radial, section tendineuse.

B) Complications secondaires (au cours de l'immobilisation) 1

1) Déplacement sous plâtre

  • Celui-ci est quasi systématique en cas de traitement orthopédique d’une fracture déplacée, si une réduction a été effectuée. La contention de la réduction fracturaire par brochage (quel qu’en soit le type) a permis de diminuer (mais pas de faire disparaître) le taux de survenue de cette complication.
  • Lié à la perte de substance osseuse post-réductionnelle et à un défaut de stabilité de la réduction. La perte de réduction sous plâtre est presque obligatoire, en particulier chez les sujets âgés. 
  • Observé jusqu'à la 3ème semaine (formation du cal fibreux). Cette complication doit donc être tout particulièrement dépistée pendant les 3 premières semaines (radiographies de contrôle à j2, j8, j15, J21). Dans les 15-21 premiers jours la fracture peut être à nouveau réduite, après ce laps de temps l’apparition du cal osseux rend difficile cette attitude dont les indications doivent alors être posées avec prudence.1

2) Enraidissement des doigts

  • Surtout au niveau des articulations métacarpo-phalangiennes
  • Lié à l'œdème post-traumatique et aux troubles vasomoteurs associés

3) Syndrome du canal carpien

Parfois précoce (lors de la confection plâtrée) ou au début de la rééducation. Peut s’observer après tout type de fracture, même sans déplacement. Lié à :

  • L'œdème post-traumatique (stase veineuse et œdème des gaines synoviales) qui entraîne une augmentation de volume des éléments traversant le canal carpien et une compression du nerf médian. 
  • L'hématome diffusant dans le canal carpien
  • L'importance du déplacement initial

4) Infection du site opératoire

5) Syndrome des loges

  • Rare mais grave.
  • Traumatisme à haute énergie.
  • Touche le plus souvent le compartiment palmaire de l'avant-bras et les loges de la main.

C) Complications tardives

1) Cals vicieux

  • C’est la complication tardive la plus fréquente.
  • Ils sont soit secondaires à une absence de réduction d’un déplacement initial (et donc acceptés de facto), soit à un déplacement secondaire. Ils donnent un aspect inesthétique au poignet mais, s’ils sont extra-articulaires, leur tolérance fonctionnelle est le plus souvent bonne, même si une bascule postérieure importante limite théoriquement la flexion palmaire du poignet, et la translation externe de la main diminue la force de préhension.
  • Les cals vicieux de l’articulation radio-ulnaire inférieure retentissent sur la prono-supination qui est alors souvent moins ample et plus ou moins douloureuse.
  • Quant au retentissement arthrogène de ces cals vicieux articulaires de la radiocarpienne, sa survenue est biomécaniquement logique mais reste très discutée. 
  • Les indications de traitement chirurgical des cals vicieux (ostéotomie correctrice du cal, suivie d’une contention le plus souvent par broches) ne s’adressent donc qu’aux sujets jeunes, en particulier travailleur manuel, surtout s’il s’agit du côté dominant.

2) Pseudarthrose septique ou aseptique

  • Correspondent à une absence de cicatrisation du foyer de fracture après 2 fois la durée normale de cicatrisation soit 3 mois (2 fois 6 semaines).
  • Le trait de fracture persiste.

3) Syndrome douloureux régional complexe de type I (algodystrophie)

  • C’est probablement la complication la plus fréquente et la plus difficilement prévisible des fractures de l’extrémité inférieure du radius (environ 15 à 25 % des cas). 
  • Elle peut apparaître dans n’importe quel cas, mais survient le plus souvent chez des sujets anxieux et est favorisée par la distraction et l’immobilisation prolongée ou en position forcée.
  • Elle associe à des douleurs non mécaniques (douleurs de repos), une raideur, un œdème, un aspect luisant de la peau, une cyanose et des troubles vasomoteurs avec hypersudation. 
  • Une déminéralisation osseuse apparaît secondairement sur les radiographies de contrôle. Habituellement, ce syndrome guérit sans séquelles, mais peut être très long à disparaître (1 an) et est à l’origine d’une impotence fonctionnelle invalidante au retentissement socioprofessionnel important.
  • Sa prévention passe par la lutte contre la douleur et la mobilisation articulaire douce précoce. Une rééducation trop rapide, à l’origine de phénomènes douloureux, est donc à proscrire.

4) Raideur persistante du poignet et de la main.

  • Elle est possible, le plus souvent secondaire à une immobilisation prolongée, à une absence de rééducation (que ce soit une autorééducation souvent suffisante ou avec l’aide d’un kinésithérapeute), ou séquelle d’une algoneurodystrophie.
  • Sa prise en charge est difficile et à succès aléatoire.

5) Arthrose

  • Secondaire à l'atteinte articulaire
  • Directement corrélée à la qualité de la réduction
  • Retentissement inconstant sur la fonction

6) Ruptures tendineuses (long extenseur du pouce)

  • Rupture d’origine ischémique ou iatrogène du tendon du muscle extensor pollicis longus.
  • Elles sont le plus souvent dues à des traumatismes du tendon sur les extrémités des broches d’ostéosynthèse.
  • Les patients ne peuvent plus porter le pouce en rétropulsion.
  • Le transfert du tendon du muscle extensor indicis proprius est le traitement de choix.

7) Névromes de la branche sensitive du nerf radial

  • Ils sont fréquents.
  • Ils sont secondaires à la dissection des rameaux de la branche sensitive du nerf radial liés à un traumatisme iatrogène lors de l’incision cutanée ou lors de l’introduction ou l’ablation des broches.

PRISE EN CHARGE THÉRAPEUTIQUE

Il n’y a pas un protocole unique pour le traitement de ces fractures mais plusieurs alternatives. La décision dépend de plusieurs facteurs :

  • liés au patient : Âge, état physiologique, qualité de l’os, latéralité, profession, sport, main dominante, antécédent médicaux et chirurgicaux.
  • liés à la fracture : siège, type du déplacement (en avant, en arrière).

L’objectif du traitement des fractures de l’extrémité inférieure du radius est d’obtenir une consolidation effective de la fracture en étant le plus proche possible de l’anatomie normale. Il faut donc :

  • en cas de fracture non ou peu déplacée, éviter la survenue d’un déplacement secondaire
  • en cas de fracture déplacée, réduire et maintenir cette réduction, jusqu’à consolidation (6-8 semaines).

A) Mise en condition

  • Hospitalisation si nécessaire dans un service de Chirurgie orthopédique ou urgence différé. Cette intervention n’est pas une urgence absolue : il est possible, et quelques fois souhaitable, de mettre en place une attelle (pour supprimer les douleurs) et de programmer l’intervention le lendemain ou le surlendemain pour la faire dans de bonnes conditions, avec un patient calmé ou transféré près de son domicile.1 Une hospitalisation de 24 heures peut suffire.
  • Bilan préopératoire (ECG, groupe-Rhésus, etc.), consultation d'anesthésie, bloc prévenu. 
  • Patient gardé à jeun le jour de l'intervention, voie veineuse périphérique.
  • Retrait des bijoux le jour même de l'accident

B) Traitement symptomatique (aux urgences)

  • Immobilisation temporaire du foyer de fracture dans une attelle AB pouce libre.
  • Antalgiques, AINS en l'absence de contre-indication
  • Surélevation du membre avec écharpe de soutien.1

C) Traitement orthopédique : 3 temps

1) Réduction manuelle

  • Au bloc opératoire, sous anesthésie locorégionale le plus souvent ou générale, sous contrôle scopique à l'amplificateur de brillance, par manœuvres externes :
  • Main du membre blessé empaumée par la main opposée du chirurgien de l’autre, il saisit l’avant-bras, le pouce sur la face dorsale de l’épiphyse.
  • Traction axiale du membre (désengrènement du foyer de fracture)
  • Flexion palmaire (déplacement postérieur) ou extension palmaire (déplacement antérieur).
  • Pression dorsale ou ventrale de l’épiphyse (correction de la bascule postérieure ou antérieure)
  • Inclinaison ulnaire (correction de l’inclinaison radiale)

2) Quatre critères de réduction à vérifier :

a) De face :

  • Index radio-ulnaire négatif (-2mm) ou nul
  • Rétablissement de la ligne bi-styloïdienne inclinée à 15’ vers le dedans

b) De profil :

  • Orientation en bas et en avant de la glène radiale avec inclinaison sagittale de 10°.
  • Réalignement des corticales (2 fragments radiaux)

3) Immobilisation

  • Repose sur une immobilisation par un plâtre ou une résine synthétique
  • Manchette pendant 6 semaines
  • ou plâtre brachio-anté-brachio-palmaire (BABP) (fendu et circularisé à 48 heures) pendant 3 semaines avec relais par une manchette à 3 semaines soit un total de 6 semaines de contention = immobilisation initiale du coude pour protéger les lésions capsulo-ligamentaires radio-ulnaires distales ou une synthèse précaire de l'extrémité distale de l'ulna. L’intérêt d’une immobilisation brachio-antébrachio-palmaire durant les 3 premières semaines ne semble se justifier qu’en cas de lésions ulnaires avérées.
  • En position de fonction : coude à 90°, poignet en position neutre ou en légère, flexion palmaire+/- inclinaison ulnaire, articulations métacarpo-phalangiennes libres, 1ère colonne du pouce libre (depuis la trapézo-métacarpienne).

D) Traitement chirurgical

Le traitement chirurgical, justifié en cas de déplacement non tolérable, repose sur 3 modalités pratiques distinctes : l’embrochage percutané, les plaques palmaires vissées, et le fixateur externe radiométacarpien, à ne jamais utiliser seul. Ces traitements remplissent le double rôle de réduction et de stabilisation de la fracture jusqu’à consolidation.

1) Ostéosynthèse par broche

  • Embrochage percutané intra-focal par la méthode de Kapandji : Les broches (deux ou trois) sont introduites par le foyer de fracture et fichées dans la corticale opposée du fragment proximal afin de stabiliser la fracture.
  • Embrochage styloïdien selon Castaing : Il s’agit d’un embrochage unipolaire à partir de la styloïde radiale, pénétrant donc par le fragment distal puis traversant obliquement le foyer fracturaire pour se ficher dans la corticale opposée du fragment proximal.
  • Embrochage centromédullaire élastique (Py) : Il s’agit d’un embrochage à partir du fragment distal puis traversant obliquement le foyer fracturaire, mais les broches sont introduites non pas dans la corticale opposée du fragment proximal, mais à l’intérieur du canal médullaire.
  • Immobilisation complémentaire généralement nécéssaire
  • Les broches sont retirées sous anesthésie locale ou loco-régionale au bout de 6 semaines.
Image 1 : Embrochage styloïdien d'une fracture de Pouteau-Colles.
Image 2 et 3 : Embrochage intrafocal selon Kapandji d'une fracture de Pouteau-Colles (A : face et B : profil).
Embrochage centromédullaire élastique (Py)

2) Ostéosynthèse à foyer ouvert par plaque antérieure vissée

  • Elle n’est quasiment utilisée que dans les fractures métaphysaires à déplacement antérieur ou les comminutions métaphysaires étendues
  • La mise en place de plaques palmaires nécessite un abord chirurgical antérieur et reste techniquement délicat, en particulier pour positionner la plaque en hauteur et pour la longueur des vis dont l’excès peut endommager les tendons extenseurs.
  • La plaque est posée sur la face antérieure de l’extrémité inférieure du radius, puis vissée à travers les deux corticales afin d’obtenir un effet console.
  • Immobilisation par attelle amovible.
  • Plaques laissées en place si bien tolérée (d'autant plus que le patient est âgé).
L’indication phare des plaques antérieures vissées reste les fractures métaphysaires à déplacement antérieur ou les comminutions métaphysaires étendues

3) Ostéosynthèse indirecte par fixateur externe 1

  • Le fixateur externe ne doit pas être utilisé isolément car une traction excessive est un facteur de risque d’algo­neurodystrophie. Il doit être ajouté comme moyen de protection d’une ostéosynthèse précaire par broche ou plaque.
  • Réduction de la fracture par traction dans l’axe qui permet la mise sous tension des éléments capsulo-ligamentaires ; on parle de ligamentotaxis
  • La réduction est maintenue par un fixateur externe métacarpo-radial (± broches ± plaque) grâce à des fiches qui sont vissées dans le 2ème métacarpien et le radius. 
  • Avantages : poursuite des soins cutanés dans les fractures ouvertes, ré-axation du poignet
  • Le fixateur est retiré au bout de 4 à 6 semaines et éventuellement relayé par un plâtre.
  • Cette technique, très ancienne, est parfois la seule solution possible en cas d’éclatement de l’épiphyse radiale où les broches et les vis n’auraient aucune tenue mécanique satisfaisante.

E) Mesures associées 

  • Rééducation débutée dès le 1“ jour, par le patient seul : mobilisation active des doigts, 
  • Main surélevée, quotidienne, poursuivie par le kinésithérapeute : rééducation active de récupération des amplitudes articulaires et d'entretien de la force musculaire de tout le membre supérieur, ordonnance de 10 séances (5/semaine x 2 semaines).
  • Certificat médical initial, arrêt de travail…
  • Bilan et traitement de l'ostéoporose.
  • Recherche et correction des FDR de chutes: ergothérapeute.

F) Indication

1) Fracture extra-articulaire :

  • non déplacée = TTT orthopédique
  • patient très âgé avec demande fonctionnelle faible : TTT orthopédique envisageable
  • déplacée et stable après réduction = TTT orthopédique
  • déplacée et instable après réduction = TTT chirurgical = ostéosynthèse. Déplacement antérieur avec comminution antérieure = plaque antérieure. Déplacement postérieur : (non / peu comminutive = embrochage +++, si comminution dorsale importante (Cl à l’embrochage) = plaque antérieure.

2) Fracture articulaire :

  • non déplacée = TTT orthopédique
  • déplacée, réduction anatomique et stable après réduction = TTT orthopédique
  • déplacée et mal réduite ou instable après réduction = TTT chirurgical = ostéosynthèse (plaque antérieure, fixateur externe et broches) +/- greffe cortico-spongieuse
  • Attention : corrélation entre résultat fonctionnel et qualité de la réduction, lésions associées fréquentes à rechercher.

ÉVOLUTION/PRONOSTIC

Délai de consolidation : 6 SEMAINES

A) Les facteurs de MAUVAIS PRONOSTIC :

1) Locaux

  • Comminution importante (risque de déplacement secondaire)
  • Nombre de fragments élevé (difficultés d'ostéosynthèse)
  • Trait de fracture articulaire (risque d’arthrose secondaire)
  • Lésions associées : Luxation radio-ulnaire distale (limitation de la prono-supination), vasculo-nerveuses, ouverture cutanée (retard de consolidation, infection)…

2) Généraux

  • Age élevé
  • Patient polytraumatisé

PRÉVENTION

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SURVEILLANCE

  • Surveillance clinique (malade sous plâtre) et radiographique hebdomadaire durant les 3 premières semaines puis à la 6ème semaine : J2, J8 ,J15, J21, J45
  • En cas de traitement non chirurgical, une surveillance radiographique régulière est cruciale pour dépister d’éventuels déplacements secondaires sous plâtre, assez fréquents.

CAS PARTICULIERS

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Résumé

  • Deux grands tableaux (âgés ≠ jeunes)
  • Deux grands déplacements (postérieur ≠ antérieur)
  • Deux grands types de fractures (articulaires ≠ extra-articulaires)
  • Deux types de traitement (foyer fermé ≠ foyer ouvert)
  • Toutes les fractures du poignet ne sont pas des Pouteau-Colles : analyse radiographique précise.1

RÉFÉRENCES