Ischémie aiguë de membre

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Mise à jour 24/11/2021

INTRODUCTION/GÉNÉRALITÉ

  • L'ischémie aiguë de membre (IADM) est une diminution brutale du flux artériel au niveau d'un membre entraînant une ischémie tissulaire.
  • L'ischémie aiguë de membre est une pathologie fréquente et grave 
  • Il s’agit de l’urgence la plus fréquente et grave en chirurgie vasculaire mettant en jeu le pronostic fonctionnel du membre et le pronostic vital du patient.
  • Le caractère aigu est retenu si les symptômes datent de moins de 15 jours. La durée d’installation des symptômes varie de quelques heures à quelques jours selon l’état du réseau collatéral préexistant.
  • La reconnaissance sans délai de l’ischémie conditionne la restauration rapide du flux artériel, l’augmentation de la probabilité de sauvetage de membre et la limitation des effets locaux et systémiques du syndrome de reperfusion.
  • L’évaluation clinique initiale est fondamentale : elle doit rapidement permettre d’établir le diagnostic, d’orienter vers une étiologie embolique ou thrombotique, survenant sur artères saines ou pathologiques, d’évaluer la sévérité de l’ischémie et de rechercher des comorbidités susceptibles de se décompenser. L’ensemble de cette évaluation initiale guide la prise en charge thérapeutique et permet de décider de réaliser ou non des examens complémentaires avant la chirurgie.
  • Si le diagnostic est le plus souvent évident, il existe néanmoins un éventail de situations cliniques depuis l’apparition ou l’aggravation brutale d’une claudication intermittente du membre inférieur, l’existence d’une douleur permanente avec déficit sensitivomoteur complet, jusqu’à la survenue de signes cutanés.
  • On distingue deux principaux groupes étiologiques en fonction du mécanisme à l'origine de l'ischémie : l'embolie sur artères saines ou la thrombose sur artères pathologiques. 
  • Le traitement est médico-chirurgical et repose sur une désobstruction de l'axe artériel afin de revasculariser le membre ischémique.
  • La morbimortalité reste importante malgré une prise en charge adaptée.

HISTORIQUE

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PHYSIOPATHOLOGIE

L’importance des conséquences locales et systémiques du syndrome d’ischémie-reperfusion est corrélée à la masse musculaire ischémiée, à la durée de l’ischémie, à l’importance de la circulation collatérale et du flux sanguin résiduel et à la réserve physiologique du patient.1

A) Physiopathologie de l'ischémie/reperfusion

1) Le syndrome de dévascularisation musculaire (ischémie responsable d'une rhabdomyolyse)

  • La survenue d'une ischémie aiguë est liée à une oblitération artérielle brutale du flux artériel, oblitération que la circulation collatérale est insuffisante à compenser.
  • Durant la phase initiale ischémique, les cellules musculaires striées fonctionnent en anaérobiose et les réactions de phosphorylation oxydative sont réduites. Cette réduction est à l’origine d’une inhibition des récepteurs sodium/potassium adénosine triphosphatase qui entraîne un flux entrant de calcium intracellulaire et déclenche une cascade aboutissant à la mort cellulaire. 
  • Cette apoptose cellulaire (suite à la nécrose musculaire) libère dans le sang des produits du catabolisme anaérobie (lactates) associés aux produits de la rhabdomyolyse (potassium, myoglobine, CPK). La phase de respiration anaérobie est responsable d’une accumulation d’acide lactique dans la cellule qui devient détectable dans le sang lors des ischémies sévères et prolongées.
  • L’ischémie prolongée induit une fuite d’eau, de calcium et de sodium vers le secteur interstitiel, qui entraîne une baisse de la volémie et un œdème du secteur interstitiel. Cet œdème imprime une compression croissante des cellules musculaires (dans une gaine aponévrotique inextensible) qui accentue la malperfusion des tissus réalisant au maximum un syndrome de loge (syndrome compartimental).1

a) La sévérité d'une ischémie aiguë dépend de plusieurs facteurs :

  • La pression artérielle systémique : un état de choc ou une hypotension artérielle peuvent être les seuls facteurs de décompensation d'une artériopathie oblitérante chronique. Il est important de maintenir une pression artérielle systémique correcte afin de favoriser la perfusion du réseau collatéral et d'éviter le collapsus périphérique qui aggrave les effets de l'ischémie.
  • La circulation collatérale : qui permet de compenser en partie les effets de l'occlusion artérielle. Une occlusion survenant de manière brutale chez un patient sans collatéralité artérielle sera plus sévère qu'une occlusion subaiguë survenant chez un patient avec une collatéralité artérielle préalable importante.
  • La qualité du réseau artériel d'aval (lésions athéromateuses ou non).

b) Les cellules les plus sensibles à l'ischémie sont :

  • les cellules nerveuses (ischémie débutant 4 heures après le début de l'occlusion).
  • Puis, ce sont les cellules musculaires qui vont souffrir environ 6 heures après le début de l'ischémie. La souffrance musculaire est variable d'un muscle à l'autre, liée à l'existence de collatéralités, expliquant une possible récupération musculaire même une fois franchie la barre de la 6ème heure. La sévérité est donc essentiellement corrélée à l'extension des lésions anatomiques plutôt qu'à l'ancienneté des troubles.
  • Enfin, les cellules cutanées sont en général touchées par l'ischémie 24 heures après le début de l'occlusion avec risque de nécrose cutanée.

2) Le syndrome de reperfusion (ou syndrome de revascularisation)

  • La définition actuellement admise du syndrome de reperfusion a été proposée par Blaisdell en 2002 : « syndrome complexe avec des conséquences locales et systémiques après une ischémie reperfusion affectant un taux important de tissus ».1
  • La phase de reperfusion est marquée par la production de radicaux libres responsables de lésions des membranes cellulaires, par peroxydation des lipides membranaires, et de lésions mitochondriales aboutissant à l’apoptose cellulaire. Ces phénomènes provoquent la production de cytokines pro-inflammatoires et le relargage du contenu cellulaire, électrolytes et acides, lactate déshydrogénase, alanine transaminase, créatinine phosphokinase et myoglobine, qui peuvent être dosés sur les prélèvements sanguins.1
  • Conséquences locales : on observe l'apparition d'un œdème par altération de la membrane capillaire qui peut entraîner un obstacle au retour veineux, une compression musculaire aggravant la rhabdomyolyse et, enfin, une compression de la circulation artérielle (garrot interne). Le syndrome des loges se définit comme une souffrance neuromusculaire pouvant aller jusqu'à la nécrose, en rapport avec une augmentation pathologique de la pression intratissulaire dans une ou plusieurs loges musculaires.1 Cette complication peut être prévenue par la réalisation précoce d'une aponévrotomie des loges musculaires.1
  • Conséquences générales : Lors de la revascularisation, il y a libération dans la circulation générale de métabolites intracellulaires produits de la dégradation musculaire (rhabomyolyse) : on peut observer une hyperkaliémie brutale responsable de troubles du rythme, voire d'un arrêt cardiorespiratoire. Il convient donc de surveiller étroitement la kaliémie pendant les périodes per- et post-opératoires, et l'on peut réaliser un lavage peropératoire du membre afin de limiter la circulation des métabolites intracellulaires lors de la reperfusion.  Par ailleurs, l'excrétion de la myoglobine dans les urines (myoglobinurie) peut provoquer des lésions tubulaires rénales et une insuffisance rénale. Des taux élevé de CPK (5 000 et 10 000 IU/L) sont des indicateurs en faveur d'un syndrome de reperfusion post-ischémique sévère et d'un syndrome compartimental, avec risque accru d'insuffisance rénale aiguë.1 1 1

3) Rhabdomyolyse 

  • La rhabdomyolyse est un syndrome clinique et biologique lié à la destruction des fibres musculaires squelettiques dont le contenu est libéré dans le secteur circulant et les liquides extracellulaires : enzymes (CPK, LDH, aldolases, TGO, TGP), protéines de structure (myoglobine), ions (potassium, phosphate)
  • D'un point de vue physiopathologique, on distingue la phase d'ischémie musculaire caractérisée par l'acidose, l'hypovolémie et l'insuffisance rénale de la phase de reperfusion qui majore ces phénomènes et contribue à l'hyperkaliémie.
  • Parmi les signes biologiques, seule l'élévation du taux de créatine phosphokinase (CPK), proportionnelle à l'importance de la lyse musculaire, permet de faire le diagnostic.
  • Le diagnostic de rhabdomyolyse se fait sur un chiffre de CPK au-dessus de la normale. Si la limite supérieure est habituellement de 100 U/l, des chiffres de l’ordre de 5 à 10 fois la normale (500 à 1 000 U/l) sont considérés comme significatifs. Un consensus récent a proposé de considérer la mise en place d’une thérapeutique et d’un suivi de la rhabdomyolyse à partir d’un chiffre de CPK de 5 000 U/l.1 Aucun chiffre n’est avancé pour la myoglobine mais une valeur de 3 000 μg/l paraît raisonnable. 1
  • Le degré de gravité est variable, allant de l'élévation isolée de la CPK à un tableau grave avec insuffisance rénale aiguë liée à l’obstruction par la myoglobine des tubules distaux, hyperkaliémie, effet toxique direct des réactions de peroxydation du liposome et de l’inflammation, arythmie cardiaque, coagulation intravasculaire disséminée, syndrome de détresse respiratoire aiguë, défaillance multiviscérale secondaire à la réaction inflammatoire généralisée.1
  • Sa prévention repose sur une hydratation importante en privilégiant les solutions alcalines.
  • Le traitement repose sur : la correction de l’hypovolémie, le traitement des troubles hydro-électrolytiques et l'’épuration extra-rénal.

ÉPIDÉMIOLOGIE

  • Les données épidémiologiques concernant l’ischémie aiguë de membre sont rares.
  • Selon les séries épidémiologiques, l’incidence de l’ischémie aiguë de membre inférieur est comprise entre 10 et 22 pour 100 000 habitants et par an.1 1
  • Dans une étude épidémiologique aux États-Unis entre les années 1998 et 2009 :
    • l'incidence des hospitalisations liées à l'ischémie aigüe de membre est passée de 45,7 à 26,0 pour 100 000 personnes/an.1
    • Le nombre de patients subissant une revascularisation a été réduite de 57,1% à 52,6%, tandis que les procédures endovasculaires ont été doublées, de 15,0% à 33,1%.
    • La mortalité hospitalière est passée de 12,0% à 9,0% et taux d'amputation de 8,1% à 6,4%, bien que sur ce dernier point la diminution n’était pas statistiquement significative.
    • La mortalité à un an est resté inchangé (41,0% contre 42,5%) et le taux d'amputation à un an a diminué au fil du temps de 14,8% à 11,0%.
    • Des taux d'amputation, une mortalité et des tendances temporelles similaires ont été signalés en Suède.1 1 1
  • Il existe peu de données sur le niveau d'amputation majeure après une ischémie aigüe de membre, mais dans une grande étude de cohorte, 34% des amputations effectuées dans les 30 jours ont été effectuées au-dessus du genou.1

FACTEURS DE RISQUES

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EXAMEN CLINIQUE

La stratégie diagnostique s'articule autour de quatre étapes principales :

  1. Diagnostic positif =  établir le diagnostic positif d'ischémie aiguë.
  2. Diagnostic de siège = détermination du niveau de l'obstruction.
  3. Diagnostic de gravité = évaluation de la gravité.
  4. Diagnostic de mécanisme = détermination du mécanisme à l'origine de l'ischémie aiguë.

A) Diagnostic positif 

  • Le diagnostic positif d'ischémie aiguë de membre repose sur l'interrogatoire et l'examen clinique, bilatéral et comparatif.
  • Les formes cliniques sont très variées, depuis les présentations paucisymptomatiques jusqu’à des tableaux sévères : Les embolies sur artères saines sont souvent cliniquement plus parlantes que les thromboses d’artères pathologiques..
  • Les symptômes dépendent de la localisation de l’obstacle artériel, de l’extension de la maladie, du développement de la circulation collatérale et du délai séparant l’apparition des premiers symptômes et l’examen.
  • L’imagerie artérielle seule ne peut affirmer le diagnostic puisque à lésions identiques observées correspond un grand nombre de présentations cliniques allant, selon le développement du réseau artériel collatéral, de l’absence de symptôme à l’ischémie sévère. 
  • Les examens complémentaires n'apportent rien au diagnostic positif et ne doivent en aucun cas retarder le traitement, qui doit être débuté dès le diagnostic posé, avant un transfert en urgence en milieu spécialisé. 
  • Pour les patients présentant un diagnostic possible d'IADM, il est recommandé que l'évaluation clinique soit effectuée en urgence par un spécialiste vasculaire, qui devrait être responsable de la planification des investigations et de la gestion. (consensus)1

1) Antécédents et anamnèse

  • L’interrogatoire recherche la présence d’une artériopathie oblitérante des membres inférieurs (asymptomatique, claudication intermittente, douleurs de décubitus) et les éventuels gestes de revascularisations effectués.
  • Il convient également de s’enquérir des traitements suivis, notamment anticoagulants et anti-agrégants plaquettaires.
  • La chronologie d’apparition des symptômes est déterminante. Qu’elle survienne sur artères saines ou pathologiques, l’ischémie aiguë est par définition toujours brutale. L’évolution des symptômes renseigne sur sa vitesse d’aggravation. L’heure de début doit impérativement être relevée et consignée dans le dossier médical.
  • L’interrogatoire relève les éléments concernant la motricité antérieure du patient, son état général, l’existence de comorbidités et de facteurs de risque cardiovasculaires orientant plutôt vers une thrombose sur artères pathologiques, qui sont prédictifs de morbimortalité peropératoire et de survie à un an.1

2) Signes fonctionnels

  • La douleur est spontanée, d'apparition brutale, le plus souvent localisée au niveau d'un membre inférieur (faire préciser l'heure de survenue +++).
  • Elle est d'emblée maximale, intense, à type de broiement, de crampe ou d'engourdissement.
  • Elle est d’autant plus évocatrice qu’elle s’associe à une impotence fonctionnelle du membre.
  • Elle peut parfois s’amender secondairement, en cas d’amélioration spontanée ou sous l’effet du traitement anticoagulant.

3) Examen physique

  • La température : Le membre ischémique est plus froid que le membre controlatéral. L’examen bilatéral et comparatif doit rechercher une asymétrie de chaleur entre les deux membres
  • La couleur : Une pâleur est le plus souvent révélatrice de l’ischémie, mais parfois le membre peut être hyperhémique ou cyanosé. Le temps de recoloration cutané doit systématiquement être évalué. Il est allongé, largement supérieur à 3 secondes.
  • Le remplissage veineux : Des veines superficielles plates (collabées) ou ne se remplissant pas ou avec retard à la vidange (soit par surélévation du membre ou simplement en chassant le sang veineux au doigt), sont en faveur du diagnostic (témoins de l'absence de circulation).
  • La présence d’un déficit sensitif et/ou moteur : la souffrance neurologique du membre est l’élément déterminant le caractère urgent de la prise en charge chirurgicale. Il débute en distalité (orteils puis cheville). Chronologiquement, apparaissent des paresthésies, puis un réel déficit sensitif partiel puis complet, et enfin un déficit moteur partiel puis complet. Un déficit sensitivomoteur complet et installé depuis plus de six heures signe souvent une irréversibilité des lésions.
  • La palpation des pouls périphériques est un élément fondamental de l'examen clinique. L'abolition du/des poul(s) permet de préciser le siège de l'obstruction artérielle (ci-dessous) et oriente vers le mécanisme à l'origine de l'ischémie :
    • l'abolition des pouls du côté atteint associée à des pouls controlatéraux présents oriente vers un mécanisme embolique. Par ailleurs grande valeur si le pouls existait auparavant avec certitude = embolie sur artère saine
    • l'abolition des pouls poplités et distaux bilatéraux oriente plutôt vers une artériopathie sous-jacente.

Il existe un moyen mnémotechnique clinique permettant de retrouver les six signes essentiels de l’ischémie aiguë : les « 6P » anglo-saxons : pain, pallor, poikilothermia pulselessness, paresthesias, paralysis : 1 1 en pratique clinique, les six signes sont rarement rencontrés, sauf s'il existe une ischémie aigüe sévère chez un patient avec des artères par ailleurs normales.

Ischémie aiguë non sensitivo-motrice
  • Pain : Douleur intense, spontanée, de début brutal à type de broiement avec impotence fonctionnelle
  • Pallor : pâleur du membre
  • Poikilothermia : "périssant par le froid" = froideur du membre1
  • Pulselessness : Abolition des pouls périphériques
  • Paresthesia : Paresthésie, pas de perte de sensation ou minime (hypoesthésie des orteils)1
Ischémie aiguë sensitivo-motrice
  • Paresthesia : Perte de sensation au dessus des orteils/Anesthésie
  • Paralysis : atteinte nerveuse motrice, notamment le nerf fibulaire commun (impossiblité de mobiliser les orteils)
  • ± Signes de rhabdomyolyse (douleur à la palpation des muscles)
Ischémie aiguë dépassée
  • Rigidité musculaire,  
  • Signes cutanés (marbrures, phlyctènes, nécrose cutanée, gangrène)
  • Déficit sensitivomoteur complet.

 

B) Diagnostic topographique

Une fois le diagnostic d'ischémie aiguë établi, on s'attache à évaluer la topographie de l'obstruction artérielle, qui conditionne la prise en charge thérapeutique. La démarche repose sur la palpation des pouls associée à l’examen précis de la température et de la coloration du membre, qui oriente sur le niveau de l’occlusion artérielle. La limite supérieure des troubles est toujours inférieure au siège de l'obstruction du fait de la circulation collatérale (environ 15 cm environ au-dessous du niveau de l'oblitération). Le plus souvent, l’ischémie aiguë est unilatérale. Les ischémies bilatérales correspondent soit à des emboles multiples, soit à une occlusion aortique.

  • oblitération du carrefour aortique :  tableau d'ischémie aiguë bilatérale avec paralysie sensitivomotrice des deux membres inférieurs, simulant une paraplégie avec abolition des pouls fémoraux (et de l'ensemble des pouls des deux membres inférieurs). Il s'agit d'une urgence vitale.

  • oblitération artérielle iliofémorale : ischémie unilatérale atteignant la cuisse avec abolition du pouls fémoral (et du membre inférieur homolatéral). 

  • oblitération fémoropoplitée : ischémie distale de la jambe et du pied avec abolition du pouls politée et en aval du genou (pouls fémoral conservé).

  • oblitération tibiale antérieure : ischémie de la loge antéro-exteme de la jambe avec abolition du pouls tibial antérieur (pouls pédieux).

  • oblitération tibiale postérieure : ischémie du tiers inférieur du mollet et de la plante du pied avec abolition du pouls tibial postérieur.

L’absence de pouls périphérique palpable doit faire rechercher la présence d’un flux au Doppler portatif si disponible rapidement. L’absence de flux Doppler distal est souvent de mauvais pronostic. On recherche un amortissement du flux, un flux veineux non modulé. L’absence de pouls et/ou de flux périphériques peut cependant préexister à l’ischémie aiguë chez un patient présentant une artériopathie chronique.

 

C) Diagnostic de gravité

Une fois le diagnostic affirmé, l’examen clinique permet d’évaluer la sévérité de l’ischémie pour planifier la prise en charge thérapeutique et décider de réaliser ou non des examens complémentaires préalables à la revascularisation. Cette demande d’examens complémentaires doit être faite en lien avec le chirurgien, qui doit être sollicité dès le diagnostic établi.

1) Rechercher la présence de signes de gravité :

  • Généraux : un état de choc
  • Une atteinte musculaire  : douleur à la palpation des masses musculaires (urgence extrême ++) : signe de rhabdomyolyse
  • Une atteinte neurologique : anesthésie cutanée, déficit moteur (paralysie avec impossibilité de mobiliser les orteils).
  • Une atteinte cutanée : Les formes les plus avancées s’accompagnent de lésions cutanées qui témoignent d’une ischémie « dépassée » nécessitant une amputation : il peut s’agir de phlyctènes, de marbrures, d’une coloration cyanique ne disparaissant pas à la vitropression. La nécrose cutanée est plutôt en faveur d’une d’artériopathie.
  • Une rigidité cadavérique et un déficit sensitivomoteur complet ne laissent aucun doute concernant l’irréversibilité de l’ischémie.

L'évaluation de la sévérité des troubles neurologiques permet d'apprécier le degré d'urgence. On distingue ainsi trois cas :

  • Le tableau d'ischémie aiguë, sans trouble sensitivomoteur, dont le bilan étiologique et morphologique peut être poursuivi rapidement avant un éventuel geste de revascularisation.

  • Le tableau d'ischémie aiguë, avec troubles sensitivomo

    teurs, qui nécessite un geste de revascularisation en 

    urgence.

  • Le tableau d'ischémie dépassée

2) Classification de Rutherford

  • La classification de Rutherford pour l'ischémie aiguë des membres est recommandée pour déterminer si le membre est viable, menacé, ou irréversiblement ischémique, et pour guider la prise en charge.1  Cette classification a été reprise par la Society for Vascular Surgery.1 Catégories cliniques (gravité) de l’ischémie aiguë de membre (d’après 1).

D) Diagnostic étiologique

  • L'interrogatoire, précisant les antécédents vasculaires du patient et la description de la douleur, ainsi que l'examen clinique, complété par un électrocardiogramme, permettent d'orienter le diagnostic étiologique.
  • On distingue deux grandes causes d'ischémie aiguë de membre, responsables de 90 % des cas : embolique (40 %) et thrombose (60 %) sur artère saine ou athéromateuse. 

1) Embolie 

  • Responsable d'environ 40 % des tableaux d'ischémie aiguës, cette étiologie est actuellement en diminution.
  • L'embole vient généralement se bloquer au niveau d'une bifurcation artérielle, en raison du changement de calibre.
  • Les localisations sont, par ordre de fréquence : la bifurcation de l'artère fémorale commune, de l'artère poplitée, de l'aorte, de l'artère iliaque et de l'artère humérale.

a) Cliniquement, on s'orientera vers une embolie devant :

  • un tableau de début très brutal 

  • l'absence d'antécédent de pathologie artérielle 

  • une fibrillation atriale ou autre pathologie emboligène 

  • une ischémie sensitivomotrice, par absence de collatéralité des pouls controlatéraux présents.

b) En imagerie, certains points permettent d’orienter l’occlusion vers une étiologie embolique :

  • un arrêt net cupuliforme
  • siège sur une bifurcation
  • faible collatéralité
  • artères le plus souvent saines (pas ou peu de calcifications, absence d’autre artériopathie, lit d’aval sain) ;
  • recherche d'autres embolies asymptomatiques dans d'autres territoires artériels.
  • en échographie : amas échogène homogène, emplissant la lumière artérielle et présentant, avec la paroi, un raccordement à angle aigu (en ménisque)

c) En cas d'embolie sur artère saine, il faut rechercher systématiquement par l'interrogatoire et l'examen clinique des signes d'embolie dans un autre territoire artériel :

  • AIT/AVC (hémiplégie, aphasie, etc.).
  • Ischémie mésentérique (douleur abdominale, diarrhée sanglante, occlusion intestinale...).
  • Ischémie rénale (douleur lombaire, hématurie, oligurie, anurie).

2) Thrombose sur artères athéromateuses

Les thromboses sont responsables d'environ 60 % des ischémies aiguës.

a) Cliniquement on s'orientera vers une thrombose sur artère athéromateuse devant :

  • un tableau de début plus progressif 

  • des antécédents d'artériopathie des membres inférieurs 

  • un patient en rythme sinusal

  • un tableau clinique moins sévère, par mise en jeu du 

    réseau collatéral 

  • des pouls controlatéraux absents ou diminués.

b) L'artériographie peropératoire  : montre un arrêt circulatoire irrégulier, avec une surcharge athéromateuse diffuse des axes artériels.

 

Résumé des principaux éléments orientant vers une embolie sur artères saines ou une thrombose sur artères pathologiques.

 

EXAMENS COMPLÉMENTAIRES

L'ischémie aiguë est une urgence thérapeutique : Une imagerie diagnostique avant la revascularisation ne sera réalisée qu’en l’absence de déficit sensitivomoteur et à condition qu'elle ne retarde pas le traitement. Dans le cas contraire, aucun examen complémentaire ne doit retarder la revascularisation. Lorsque l’état clinique du patient le permet, la réalisation d’un examen morphologique se justifie pour :

  • localiser le niveau de l’occlusion artérielle, son étendue et la présence d’une collatéralité
  • guider le geste chirurgical
  • rechercher une cause locale sous-jacente (athérosclérose, dissection).

A) Bilan en urgence 

  • Bilan préopératoire classique avec consultation d'anesthésie en urgence
  • Evaluer le retentissement métabolique de l'ischémie : Recherche d'une hyperkaliémie, d'une acidose métabolique, d'une élévation des enzymes musculaires (CPK, myoglobinémie, myoglobinurie) avec rhabdomyolyse, insuffisance rénale. Il est important de rechercher une rhabdomyolyse pour plusieurs raisons: lorsque les taux de CPK sont supérieurs à 5 000 unités/L, 50 % des patients développent une insuffisance rénale aiguë. Une myoglobine urinaire supérieure à 20 mg/dL est aussi prédictive d'une insuffisance rénale aiguë. La nécrose tubulaire est due à des précipités de myoglobine favorisés par des urines acides, à la peroxydation lipidique et à la vasoconstriction rénale. Le traitement préventif et principal est l'hydratation et l'alcalinisation des urines.1 Pour les patients présentant une IADM, il n'est pas recommandé de baser la décision d'offrir une revascularisation ou une amputation de première intention, sur les résultats de la myoglobine et de la créatine kinase à l'admission.1 1 1
  • ECG : à visée étiologique (FA, anévrisme ventriculaire) et évaluation du retentissement biologique (en urgence si hyperkaliémie sévère).
  • Une gazométrie artérielle (acidose) et un dosage de lactates complètent ce bilan en cas d’ischémie sévère.

B) Imagerie 1

  • Pour les patients présentant une IADM, une imagerie diagnostique est recommandée pour guider le traitement, à condition qu'elle ne retarde pas le traitement ou si la nécessité d'une amputation primaire est évidente.1
  • Pour les patients présentant une IADM, l'angiographie par tomodensitométrie est recommandée en première intention comme imagerie anatomique.1 1 1
  • Pour les patients présentant une IADM, une échographie Doppler artérielle ou une angio-IRM par contraste peuvent être envisagées comme imagerie alternative avant de commencer le traitement, selon la disponibilité et l'évaluation clinique.1 1 1

C) Bilan étiologique

On s'attachera à préciser l'étiologie exacte de l'ischémie aiguë, après la revascularisation, par des examens complémentaires adaptés en fonction du mécanisme retenu et de la topographie de l'obstruction artérielle. Le tableau ci-dessous résume les principales étiologies en fonction du mécanisme et du terrain du patient, ainsi que les examens complémentaires de première intention à réaliser afin de compléter le bilan étiologique.

DIAGNOSTICS DIFFÉRENTIELS

  • Le principal diagnostic différentiel est l'ischémie critique définie comme la persistance d'une douleur de repos, suffisamment intense pour justifier un antalgique, depuis au moins 2 semaines consécutives, et/ou l'existence de troubles trophiques du pied ou des orteils et la mise en évidence d'une pression systolique à la cheville < 50 mmHg ou d'une pression systolique à l'orteil < 30 mmHg.
  • Une sciatique paralysante peut être révélée par une douleur avec déficit sensitif et/ou moteur du membre inferieur. Dans ce cas, la douleur a un trajet radiculaire et le déficit neurologique est systématisé ; le membre inférieur reste chaud et coloré, à la différence de l’ischémie aiguë.
  • Une pathologie neurologique centrale ou périphérique, un accident vasculaire cérébral notamment, peut déterminer un déficit neurologique sensitif et/ou moteur brutal d’un membre. Une aphasie s’y associe fréquemment et, surtout, il n’existe aucune anomalie de température ou de coloration du membre.
  • L’érysipèle est simple à éliminer puisque le membre douloureux hyperhémié est chaud et œdématié.

ÉTIOLOGIE

A) Chez l'adulte 

  • L’ischémie aiguë périphérique résulte de l’occlusion brutale et complète de la lumière d’une artère native, d’une prothèse ou d’une endoprothèse artérielle.
  • Contrairement à ce qui est observé en cas d’artériopathie chronique, la brutalité de l’occlusion artérielle ne laisse pas le temps à une circulation collatérale de se développer, ou celle-ci s’avère insuffisante pour pallier le défaut d’apport artériel en oxygène.
  • Il faut d'emblée distinguer 2 tableaux bien différents : l'embolie sur artères saines (par exemple d'origine cardiaque) et la thrombose sur artères athéromateuses 1. Il importe de les distinguer dès le diagnostic clinique 1 afin de ne pas retarder la prise en charge thérapeutique en reportant les explorations complémentaires destinées à la recherche étiologique au décours de la revascularisation.

1) Thrombose (60%)

a) Principales causes de thrombose sur artères pathologiques :

  • L'athérome : la thrombose aiguë d’une artère pathologique, athéroscléreuse, est la cause la plus fréquente d’ischémie aiguë de membre inférieur. Elle est le plus souvent due à la réaction inflammatoire et à l’agrégation d’éléments figurés du sang compliquant une rupture de plaque.

  • Les thromboses d'anévrisme : plus fréquente que la thrombose d’un anévrisme aortique, la thrombose complète d’un anévrisme poplité peut entraîner une ischémie aiguë de membre inférieur. Cette thrombose est favorisée par l’augmentation des résistances périphériques secondaire à la destruction progressive du lit d’aval par des microembolies chroniques.

  • Les artériopathies inflammatoires et maladies de système : Rarement compliquées d’ischémie aiguë de membre inférieur par un mécanisme thrombogène, il s’agit surtout de la maladie de Buerger, de localisation très distale, de la maladie de Takayasu, plutôt proximale, et de la maladie de Horton. La maladie de Behçet, caractérisée par de fréquentes thromboses veineuses, peut également être associée à des anévrismes artériels multiples et à des thromboses artérielles.1

  • Dissection aortique : Elle peut générer une ischémie aiguë de membre inférieur par malperfusion dynamique, c’est-à-dire par compression du vrai chenal au niveau aortique par le faux chenal, ou par malperfusion statique par extension de la dissection à l’artère iliaque avec une occlusion de l’artère par le lambeau intimal. Selon les séries, cette complication concerne 5,7 à 30 % des dissections aortiques de type B. 1

  • Les thromboses de pontages : En cas d’antécédents de revascularisation chirurgicale, une sténose anastomotique ou une plicature peuvent engendrer la thrombose aiguë d’un pontage veineux ou prothétique.

b) La thrombose peut plus rarement survenir sur artères saines :

  • En cas de compression artérielle extrinsèque : L’ischémie peut révéler certains cas d’artères poplitées piégées ou survenir lors de traumatismes osseux avec une compression artérielle extrinsèque par un foyer de fracture déplacé. Dans ces derniers cas, la réduction du foyer de fracture peut être suffisante pour rétablir le flux artériel mais une imagerie pré- ou peropératoire vasculaire reste indispensable pour détecter une lésion de la paroi artérielle. Il en est de même en cas de luxation postérieure de genou où l’ischémie aiguë de membre inférieur doit être systématiquement recherchée. Elle peut en effet être méconnue, la douleur de l’ischémie étant confondue avec celle du traumatisme. La compression extrinsèque peut également être le fait de tumeurs des parties molles ou enfin de kystes adventitiels siégeant le plus souvent au niveau de l’artère poplitée.
  • En cas d'hyperviscosité ou d'hypercoagulabilité : Les thrombophilies (mutation du facteur V de Leiden, mutation du facteur II, déficit en protéine C ou S, présence d’un anticoagulant circulant type lupique, déficit en antithrombine III) entrent dans ce cadre, même si elles sont le plus souvent pourvoyeuses de thromboses veineuses. De même, le caractère prothrombotique des cancers solides et hématologiques (notamment la polyglobulie de Vaquez où la thrombose artérielle peut être un mode de révélation) peut rarement générer des thromboses artérielles. Les cancers les plus thrombogènes seraient les adénocarcinomes de l’estomac, du pancréas et du poumon. En l’absence de cause évidente, la recherche d’une néoplasie sous-jacente doit être systématique (origine paranéoplasique ou emboles tumoraux).1
  • En cas de perturbation hémodynamique : insuffisance cardiaque, bas débit, hypovolémie 
  • En cas de prise de toxiques : œstroprogestatifs (notamment associés au tabac), thrombopénie immunoallergique induite par l'héparine++, vasoconstricteurs artériels, toxicomanie.

2) Embolies (40%)

  • Les embolies périphériques peuvent avoir un point de départ cardiaque, artériel ou plus rarement veineux.
  • Elles peuvent survenir sur des artères saines ou pathologiques.

a) Les embolies d'origine cardiaques sont les plus fréquentes :

  • Les troubles du rythme sont en cause dans deux tiers des cas : fibrillation atriale 1, réduction par choc électrique externe d'un trouble du rythme.
  • L'hypokinésie ventriculaire ou la constitution d'un anévrisme du ventricule gauche.
  • Les valvulopathies (rétrécissement mitral+++ ), migration de thrombi développés sur des valves mécaniques.
  • Infarctus du myocarde (troubles du rythme, anévrisme ventriculaire).
  • Les cardiomyopathies non obstructives.
  • L'insuffisance cardiaque par hypodébit.
  • Les emboles paradoxaux, tumoraux ou septiques, sont plus rarement en cause :
    • Emboles tumoraux peuvent être issus d’un myxome de l’oreillette ou d’une autre tumeur solide.
    • Emboles septiques proviennent le plus souvent d’une végétation d’endocardite infectieuse mais n’importe quel foyer septique peut également emboliser au niveau des membres inférieurs.
    • Embolie paradoxale : migration artérielle d’une thrombose veineuse profonde à la faveur d’un shunt intracardiaque.

b) Les embolies d'origine artérielle :

  • Embolies à partir d'une plaque athéromateuse : soit embolie d'un fragment de plaque, soit d'une thrombose de plaque (le plus souvent localisé au
    niveau de la crosse aortique).
  • Embolies à partir d'un anévrisme de l'aorte thoracique ou abdominal ou périphérique (car la thrombose intra-sacculaire y est constante).
  • Embolies iatrogènes par manœuvres de cathétérisme artériel ou lors de clampages chirurgicaux.

c) Dans 15 % des cas, l’origine de l’embole reste inconnue.

3) Les causes rares d'ischémie aigue des membres sont représentés dans le tableau ci-dessous :1

4) Résumé

 

B) Chez l'enfant

COMPLICATIONS

A) Locales :

  • amputation immédiate en cas de forme dépassée 
  • syndrome de revascularisation : aggravation des lésions cellulaires locales
  • syndrome de loge (post-revascularisation) 

Générales , secondaire à la reperfusion

  • syndrome de lyse complet (acidose métabolique, hyperkaliémie et ses complications cardiaques, IRA)
  • choc hypovolémique ou infectieux (plus rare)1

PRISE EN CHARGE THÉRAPEUTIQUE

A) Traitement médical avant revascularisation

  • L’admission aux urgences d’un patient suspect d’être atteint d’ischémie aiguë de membre inférieur impose l’appel immédiat d’un chirurgien vasculaire pour apprécier la viabilité du membre et planifier sans délai la prise en charge thérapeutique. En effet, des lésions irréversibles sont susceptibles d’apparaître après six heures d’ischémie complète, en l’absence de collatéralité efficace.
  • Hospitalisation du patient en unité de chirurgie vasculaire (transfert si besoin, instauration du traitement avant le transfert). 
  • Il est recommandé que les patients diagnostiqués atteints d’IADM dans un centre non vasculaire soient transférés vers un centre vasculaire offrant la gamme complète des interventions ouvertes et endovasculaires au cours d'une seule procédure avec une urgence qui dépend de la gravité de l'ischémie.1 1
  • Pose d'une voie veineuse périphérique, scope, saturomètre, laissé à jeun.

  • Maintien d'une hémodynamique stable afin d'assurer une bonne perfusion artérielle.

  • Analgésie adéquate et réhydratation intraveineuse (optimisation de la volémie) sont recommandées.1 1 1

  • Correction des troubles électrolytiques et acidobasiques : prise en charge d'une rhabdomyolyse et de ses conséquences biologiques (hyperkaliémie, insuffisance rénale, acidose métabolique) et cliniques.

  • Une supplémentation en oxygène est recommandé :1 oxygénothérapie nasale, afin d’améliorer l’oxygénation tissulaire.1

  • L' héparinothérapie à doses curatives 1 est recommandée en l'absence de contre-indicationn :1 1 1  HNF bolus de 5000 UI suivi d’une perfusion IVSE de 500 U/kg/j puis secondairement adaptée au temps de céphaline activée (TCA) (objectif : 2 < TCA < 3) ou à l’héparinémie (objectif : 0,3 < héparinémie < 0,6 UI/ml). Ce traitement peut parfois améliorer la symptomatologie clinique en cas d’ischémie peu sévère. En cas d’allergie à l’héparine, la danaparoïde sodique et l’argatroban peuvent être utilisés.

  • Protection du membre ischémique et son réchauffement : Réchauffer, soins de nursing, éviter tout frottement, proscrire tout adhésif, lowering the foot end of the bed (anti-Trendelenburg position).

B) anesthésie

  • Les modalités d’anesthésie dépendent du geste de revascularisation envisagé et de l’état hémodynamique du patient : anesthésie locale pure, anesthésie locale et sédation, anesthésie locorégionale ou générale.
  • Pour les patients nécessitant une thrombo-embolectomie chirurgicale pour une IADM, une anesthésie régionale ou locale peut être envisagée, mais toujours en présence d’un anesthésiste. Les inconvénients de ces deux modalités d’anesthésie pour les revascularisations d’ischémie aiguë de membre inférieur sont la coopération du patient qui peut être limitée, la gestion de la douleur liée à l’ischémie ou à l’abord chirurgical extensif en cas d’anesthésie locale pure, la gestion des troubles acidobasiques et hydroélectrolytiques lors de la reperfusion, plus difficiles à gérer chez un patient en ventilation spontanée.1
  • En cas de terrain altéré (insuffisance cardiaque ou rénale, patient âgé, coronaropathie, etc.) ou d’ischémie sévère faisant craindre un syndrome de reperfusion important, un cathéter artériel et un cathéter central sont mis en place afin de monitorer de manière continue la pression artérielle et de réaliser des prélèvements sanguins itératifs.1
  • Des monitorages de la pression artérielle (sanglante ou non), de la saturation périphérique en oxygène, de la fréquence cardiaque, du segment ST (électrocardiogramme), de la température, de la diurèse (sonde urinaire) et des paramètres ventilatoires sont également installés. Un système d’épargne sanguine (type cell saver) sera volontiers mis en place en cas de chirurgie ouverte, les multiples manœuvres de purges sanguines lors des thrombectomies pouvant être à l’origine de pertes sanguines non négligeables.

C) Traitement chirurgical

  • L'ischémie aiguë est une urgence chirurgicale.
  • Au-delà de 6 heures d'ischémie, le risque d'amputation est majeur.
  • Le geste chirurgical dépend du mécanisme de l'ischémie, de la topographie de l'obstruction et de la sévérité du tableau. Il peut être guidé par une artériographie peropératoire.
  • Pour les patients atteints d'IADM, traités par chirurgie ouverte, des analogues de la prostacycline (vasodilatateur) peuvent être envisagés pendant et après la revascularisation. 1 1 1
  • Pour les patients atteints d'IADM, la thrombolyse intraveineuse n'est pas recommandée.
  • Quelle que soit la technique retenue  (chirurgie ouverte ou endovasculaire) pour une IADM, une angiographie en fin de procédure est réalisée. Elle permet de s’assurer de l’absence de thrombus résiduel, d’évaluer le lit d’aval (idéalement au moins un axe artériel perméable jusqu’au pied), de diagnostiquer une lésion
    sous-jacente (sténose, occlusion chronique, etc.) responsable de la thrombose.
  • La revascularisation utilise les techniques de chirurgie vasculaire conventionnelle (thrombectomie, pontage) et endovasculaire (thrombolyse, thromboaspiration, thrombectomie mécanique).

1) Stratégie thérapeutique

a) Ischémie non menaçante (stade I de Rutherford)

  • Le traitement est différé, afin de réaliser un bilan d’imagerie précisant au mieux les lésions et un bilan préopératoire afin d’évaluer le risque de l’intervention en fonction des comorbidités du patient.
  • Chez les patients sédentaires ou à risque opératoire élevé, un traitement médical par héparinothérapie sous surveillance hospitalière est parfois envisagé dans le but de lever l’ischémie au prix d’une simple claudication résiduelle.
  • Pour les patients présentant une claudication aiguë débutante (grade I de Rutherford) qui ne menace pas le membre, une thrombolyse (percutanée) sur cathéter n'est pas recommandée. 1

     

     

  • En revanche, chez un patient actif ayant un risque opératoire faible, un traitement précoce (dans les 15 j), avant que le thrombus ne s’organise, permet d’éviter l’installation d’une claudication invalidante ou de douleurs de décubitus. Un traitement tardif nécessiterait la réalisation d’un geste plus complexe (pontage notamment).1
  • Il peut être bénéfique de différer une intervention en cas d’ischémie aiguë de stade I ou IIa peu sévère (léger déficit sensitif) pour réaliser un bilan d’imagerie précis en cas d’antécédents, multiples de revascularisation, dépister et traiter certaines comorbidités afin de limiter le risque opératoire ou simplement programmer la chirurgie dans un bloc où travaille une équipe, rompue aux procédures de chirurgie vasculaire si les urgences nocturnes sont effectuées au sein d’un bloc commun.

b) Ischémie menaçante (stade IIa de Rutherford)

  • Une imagerie préopératoire (angioscanner ou artériographie en l’absence de contre-indication) est souvent réalisée afin de déterminer le mode de revascularisation (embolectomie, pontage, thrombolyse ou thromboaspiration).
  • Cette situation est la plus fréquente en cas de thrombose sur artères pathologiques ou de thrombose de pontage, lorsque la chronicité des lésions sous-jacentes a permis le développement d’un réseau collatéral efficace.
  • Pour les patients atteints d'une IADM de grade IIa de Rutherford, il est recommandé d'envisager une thrombolyse (percutanée) sur cathéter comme alternative à la chirurgie.

c) Ischémie immédiatement menaçante (stade IIb de Rutherford)

  • Cette situation est la plus fréquemment rencontrée dans les embolies sur artères saines. Elle impose une revascularisation en urgence car le délai de reperfusion conditionne directement le pronostic du membre. Dans une série rétrospective regroupant 822 ischémies aiguës sur embolie, le taux d’amputation était multiplié par 40 chez les patients opérés au-delà de six heures suivant le début des symptômes.1
  • Du fait de son long délai d’action, la thrombolyse in situ est a priori contre-indiquée dans cette situation. Pour les patients atteints d'une IADM de grade IIb de Rutherford, une thrombolyse (percutanée) sur cathéter peut être envisagée si elle est initiée rapidement, et peut être combinée avec une aspiration percutanée ou une thrombectomie.
  • Le choix d’une revascularisation chirurgicale ouverte ou endovasculaire (thromboaspiration, thrombectomie percutanée) dépend des possibilités locales et de l’expertise du chirurgien.
  • Historiquement, les patients en ischémie de stade IIb étaient directement conduits au bloc opératoire sans imagerie préalable. En pratique courante, un angioscanner ou une artériographie sont réalisés s’ils ne retardent pas la revascularisation et cette décision est chirurgicale. Ce bilan préopératoire permet de mieux planifier l’intervention, notamment en cas d’anévrisme poplité (pour lesquels une thrombectomie pourrait s’avérer dangereuse), de suspicion d’occlusion aortique (pouls fémoraux absents) ou d’artériopathie sous-jacente nécessitant une revascularisation plus complexe qu’une simple embolectomie (pontage, etc.). Si le délai d’obtention est trop long, l’examen clinique bien réalisé oriente le geste, notamment en cas d’embole sur artères saines : la palpation des pouls permet de localiser le niveau de l’occlusion et donc la voie d’abord chirurgicale ; l’interrogatoire et l’examen physique orientent vers une cause thrombotique ou embolique. En salle hybride ou à l’aide d’un arceau conventionnel, il demeure toujours possible d’obtenir au bloc opératoire une angiographie de qualité et d’effectuer simultanément le bilan diagnostique et le geste thérapeutique ouvert ou endovasculaire.1

d) Ischémie dépassée (stade III de Rutherford)

  • Toute tentative de revascularisation est inutile, voire délétère, en présence d’une ischémie irréversible diagnostiquée devant un déficit sensitivomoteur complet accompagnant des lésions cutanées (marbrures ou phlyctènes), un éventuel syndrome de loge ou parfois une rigidité musculaire. Le risque en serait au maximum un syndrome de reperfusion majeur pouvant conduire au décès ou, dans les cas plus favorables, la survenue d’une nécrose musculaire évoluant vers une fibrose et vers des lésions neurologiques définitives responsables de contractures et de douleurs invalidantes sur un membre non fonctionnel.
  • L’amputation différée, après délimitation des lésions, est la règle, ce qui permet au préalable de stabiliser le patient sur le plan médical. Dans de rares cas, une amputation s’impose d’emblée devant un retentissement métabolique majeur ou devant un syndrome septique menaçant le pronostic vital.
  • En cas d’ischémie de stade III vue précocement, marquée par un déficit sensitivomoteur profond mais sans signes cutanés ni rigidité, une revascularisation peut être effectuée sans délai (1 ou 2 h), en informant du risque de séquelles fonctionnelles irréversibles.1

e) Situations particulières : patients grabataires, courte espérance de vie et pathologies en phase terminale

  • Un traitement palliatif peut être envisagé en cas d’ischémie aiguë (notamment à un stade tardif ou si elle nécessite une intervention complexe) chez les patients grabataires et à courte espérance de vie, après discussion collégiale et avec la famille. En cas de néoplasie métastatique connue, on peut discuter de ne pas entreprendre d’intervention chirurgicale car la mortalité périopératoire est bien supérieure dans ce groupe de patients en ischémie aiguë. 1

 

2) Moyens thérapeutiques

Il n’existe actuellement pas de recommandations quant au choix de la technique de revascularisation. Celui-ci est conditionné par l’étiologie, le degré d’ischémie, le terrain du patient, l’anatomie des lésions vasculaires, l’expertise du centre et le matériel à disposition en urgence.1

a) Embolectomie chirurgicale

  • Pour les patients atteints d'IADM, une aspiration et une thrombectomie mécanique doivent être envisagées.
  • il s'agit de la méthode de référence.1 
  • Elle consiste à désobstruer une artère native ou un pontage vasculaire à l’aide d’un cathéter à ballonnet (sonde de Fogarty©)
  • Le cathéter est introduit dans l'artère iliaque externe ou l'artère fémorale commune par une incision limitée du triangle fémoral. Une fois le cathéter introduit, le ballonnet dégonflé est placé en aval de la sténose. Le ballonnet est ensuite gonflé. En retirant le cathéter, le thrombus peut ensuite être extirpé, ce qui entraîne une restauration du flux sanguin en quelques minutes.
  • Des sondes de Fogarty© sur guide permettent de cathétériser sélectivement l’artère à thrombectomiser sous contrôle scopique et de franchir l’embole en diminuant le risque de lésion pariétale.1
  • En cas d’embolies très distales persistantes, l’administration complémentaire d’un thrombolytique intra-artériel peut être réalisée.1
  • Le thrombus est envoyé en analyse bactériologique (embole septique ?) et anatomopathologique (embole tumoral ?)
  • Complications de la technique de Fogarty : embolisation à distance (complication de la désobstmction d'un axe iliaque primitif ou le passage de la sonde peut entraîner une embolisation dans l'axe iliaque controlatéral), dissection artérielle, rethrombose précoce par lésion du revêtement endothélial artériel, rupture artérielle, hyperplasie intimale à long terme (mode de cicatrisation artérielle qui entraîne des sténoses par prolifération anarchique de cellules musculaires).

Thrombectomie de l'artère brachiale utilisant une sonde de Fogarty.

 

2) Autres techniques de revascularisation ouverte

  • Dans les situations de thrombose sur artère pathologique et en cas d’antécédents multiples de revascularisations, l’embolectomie simple n’est généralement pas suffisante et le traitement de la lésion responsable de la thrombose fait appel aux autres techniques de revascularisation.
  • L’endartériectomie avec patch d’élargissement est adaptée aux lésions courtes.
  • Les lésions plus étendues sont traitées par pontage utilisant un greffon autologue (veine saphène) ou prothétique.1 Ces pontages sont également proposés en cas d’échec de thrombectomie. Pour les patients nécessitant un pontage sous-inguinal pour une IADM, il doit être envisagé d’utiliser préférentiellement un greffon veineux.

3) Fibrinolyse in situ :

  • Elle consiste à placer un cathéter multiperforé dans le thrombus récent et à administrer à son contact (in situ) un agent thrombolytique. dans le but de provoquer sa lyse. Ce thrombolytique permet la transformation du plasminogène en plasmine qui dégrade la fibrine.
  • Il est recommandé d'utiliser un activateur du plasminogène tissulaire recombinant (rtPA : recombinant tissue plasminogen activator) ou urokinase. Leur efficacité semble être équivalente.1
  • Le thrombolytique peut être administré par perfusion continue, bolus ou par une combinaison des deux. Certains auteurs recommandent un contrôle angiographique régulier de la progression de la thrombolyse avec repositionnement du cathéter en conséquence. 1 La perfusion s’effectue en général sur une durée de 24 à 48 heures. Après dissolution du caillot, les lésions sous jacentes (sténoses, etc.) sont traitées par voie endovasculaire ou par chirurgie ouverte.
  • Pour les patients subissant une thrombolyse pour une IADM, l'héparinisation thérapeutique systémique continue n'est pas recommandée.
  • Indication : La thrombolyse est le plus souvent indiquée dans les thromboses récentes de pontages et de stents.1

     Pour les patients atteints d'une IADM de grade IIa de Rutherford, il est recommandé d'envisager une thrombolyse (percutanée) sur cathéter comme alternative à la chirurgie. Pour les patients atteints d'une IADM de grade IIb de Rutherford, une thrombolyse (percutanée) sur cathéter peut être envisagée si elle est initiée rapidement, et peut être combinée avec une aspiration percutanée ou une thrombectomie. 
  • Surveillance : Une surveillance clinique et biologique doit s’effectuer en unité de soins continus afin de détecter les signes vitaux, les complications au site d'accès, l'état du membre et de détecter précocement la survenue de complications hémorragiques. Il est recommandé de stopper la thrombolyse en cas de saignement majeur pendant le traitement. Pour ceux qui ont des saignements mineurs pendant la thrombolyse, la poursuite du traitement doit être envisagée, après évaluation du rapport risque/bénéfice de l'arrêt ou de la poursuite du traitement. Les principales complications spécifiques sont en effet hémorragiques, le plus souvent localisées au niveau du point d’insertion du cathéter. Des hémorragies majeures surviennent dans 6 à 9 % des cas, incluant les saignements intracrâniens qui comptent pour moins de 3 % de l’ensemble des procédures.1 Il existe également un risque d’embolies distales lors de la lyse du thrombus compris entre 0 et 37 % selon les études.1 Un contrôle régulier de la numération formule sanguine et de l’hémostase (fibrinogène, TCA, taux de prothrombine) est nécessaire afin d’adapter le débit de perfusion du thrombolytique et de l’héparinothérapie associée. Une hypofibrinogénémie profonde (< 1 g/l) doit faire interrompre la thrombolyse, cependant il n’est pas recommandé de surveiller systématiquement le fibrinogène plasmatique.
  • Contre-indication : La fibrinolyse est contre-indiquée dans les situations à risque hémorragique, et en cas d'ischémie sensitivomotrice (ischémie rapidement menaçante) en raison de son délai d'action trop long (12 à 24 heures), de suspicion d’infection de prothèse
  • Le taux de succès clinique immédiat est compris entre 75 et 92 %.1


4) Thromboaspiration/thrombectomie percutanée

  • Divers dispositifs percutanés de thromboaspiration ou de fragmentation mécanique du thrombus existent et peuvent être utilisés seuls ou en combinaison avec la fibrinolyse.
  • Les systèmes de fragmentation mécanique consistent en un cathéter doté d’une extrémité distale rotative. Un système d’aspiration récupère le thrombus fragmenté dans un dispositif collecteur externe.1
  • Ils permettent à l’inverse de la thrombolyse une restauration rapide du flux sanguin.
  • Le risque principal est la perforation pariétale et, dans une moindre mesure, des lésions pariétales (dissection notamment).

B) Traitements ajuvants

1) Gestion postopératoire : anticoagulation

  • L’anticoagulation à doses curatives (HNF) en perfusion intraveineuse à la seringue électrique (IVSE) est habituellement poursuivie en postopératoire immédiat afin de diminuer le risque de récidive thrombotique ou embolique avec un objectif de TCA compris entre 2 et 3 fois le témoin ou une héparinémie comprise entre 0,3 et 0,6 UI/ml. L’embolectomie chirurgicale peut en effet provoquer des dommages sur l’endothélium, pouvant être à l’origine de thromboses précoces.1 1
  • L’utilisation d’HNF en IVSE permet une gestion plus flexible en cas de reprise chirurgicale ou d’hémorragie. L’héparine de bas poids moléculaire constitue une alternative. 1
  • L’intérêt de la poursuite au long cours de l’anticoagulation curative n’est pas établi si la cause sous-jacente a été traitée, notamment en cas de thrombose de pontage avec une lésion artérielle responsable bien identifiée. 1 
  • Le traitement doit être poursuivi en cas de pathologie sous-jacente thrombotique ou emboligène persistante, de cardiopathies emboligènes et de thrombophilie essentiellement. La balance bénéfice-risque thrombose hémorragie doit être évaluée au cas par cas.
  • En l’absence de diagnostic de la cause de l’ischémie, l’anticoagulation est souvent maintenue jusqu’à la réalisation d’un bilan étiologique complet.
  • Le relais héparine-antivitamine K (en l’absence de néoplasie sous jacente) est retardé afin de limiter le risque hémorragique dans la période périopératoire.
  • Les anticoagulants oraux directs (AOD) qui inhibent la thrombine ou le facteur Xa, tels que le dabigatran ou le rivaroxaban, peuvent être utilisés en cas de fibrillation atriale mais leur efficacité concernant les thromboses périphériques n’est pas connue.
  • En cas de thrombose de pontage sur anomalie technique (sténose, plicature, etc.), de thrombose sur plaque d’athérosclérose ou d’anévrisme emboligène, une antiagrégation plaquettaire au long cours doit être introduite.

2) Syndrome de reperfusion

  • Il existe peu d’options thérapeutiques pour prévenir la progression du syndrome de reperfusion. Il s’agit essentiellement de mesures réanimatoires symptomatiques, d’hydratation adaptée, de correction des désordres électrolytiques (hyperkaliémie, notamment) et acidobasiques, d’administration de drogues vasoactives.
  • Le traitement de la myoglobinémie et de la rhabdomyolyse repose sur l’expansion volémique à l’aide de cristalloïdes.
  • Le bénéfice de l’alcalinisation des urines par les solutions de bicarbonate de sodium, dans le but de limiter la précipitation de la myoglobine dans les tubules rénaux en milieu acide, reste discuté.1
  • L’hémofiltration et l’hémodialyse constituent un traitement de dernier recours en cas d’insuffisance rénale aiguë, d’hyperkaliémie non contrôlée, d’acidose sévère ou de nécessité d’une déplétion volumique importante. 1
  • Le lavage de membre, qui vise à prévenir le relargage du contenu cellulaire dans la circulation générale après revascularisation, reste discuté. Il consiste à injecter directement dans l’artère reperfusée une solution hydro-électrolytique (sérum physiologique ou bicarbonate de sodium) qui est récupérée par la veine satellite de l’artère. La revascularisation rapide reste dans tous les cas le meilleur moyen de limiter les effets de l’ischémie–reperfusion.

3) Syndrome de loge

a) Définition

  • Le syndrome de loge est consécutif à l’augmentation de la pression intracompartimentale dans une ou plusieurs loges musculaires du membre inférieur.
  • Il entraîne une diminution de la pression de perfusion locale et une hypoxie tissulaire.1
  • C’est une urgence chirurgicale et tout délai dans la prise en charge peut conduire à des séquelles neurologiques irréversibles et à une nécrose tissulaire menaçant le pronostic du membre.1
  • La reperfusion secondaire au geste de revascularisation est à l’origine d’un œdème dans un compartiment musculaire clos et inextensible entouré par une aponévrose. L’œdème tissulaire est lié à l’ischémie–reperfusion et les lésions tissulaires initiées à la phase ischémique se poursuivent avec la réintroduction de sang oxygéné. Les lésions d’ischémie–reperfusion sont médiées par l’interaction de radicaux libres dérivés de l’oxygène, de facteurs endothéliaux et des neutrophiles. Les radicaux libres sont à l’origine d’une peroxydation des composants lipidiques des membranes cellulaires, entraînant une perméabilité capillaire accrue. 1
  • Il siège le plus souvent au niveau jambier, notamment au niveau des loges antérieure et latérale.  Les atteintes des loges antérieures et latérales peuvent être à long terme à l’origine de contractures du pied et la cheville, de dysesthésies dans les territoires fibulaires profonds et superficiels ou d’un steppage. Les syndromes de loge de cuisse post-ischémiques sont exceptionnels.
  • La survenue d’un syndrome de loge est corrélée à la durée de l’ischémie avant reperfusion et à la sévérité de celle-ci.
  • Après une heure d’évolution, des lésions neurologiques réversibles apparaissent (neurapraxie). Après quatre heures, les lésions deviennent irréversibles (axonotmesis) et, après six heures, s’initie une cascade inflammatoire irréversible entraînant une fibrose au sein du muscle nécrosé et des séquelles fonctionnelles.
  • Le délai d’apparition du syndrome de loge habituellement inférieur à 48 heures justifie une surveillance rapprochée dans la période postopératoire immédiate.

b) Diagnostic et prévention

  • Pour les patients ayant subi une revascularisation pour une ischémie aiguë d'un membre inférieur, un examen clinique est recommandé pour diagnostiquer un syndrome des loges post reperfusion.1 1 1 Le diagnostic clinique repose sur la douleur spontanée, notamment si celle-ci est résistante aux antalgiques, ou provoquée par la pression des loges, une tension importante des loges à la palpation, des paresthésies dans le territoire des nerfs situés dans la/les loges impliquées (par exemple hypoesthésie localisée entre les deux premiers orteils témoignant d’une atteinte du nerf fibulaire profond dans le compartiment antérieur). À un stade très avancé apparaissent une pâleur cutanée, une disparition des pouls distaux (si ceux-ci avaient été récupérés après revascularisation) et une parésie. Ces signes ont une bonne spécificité mais une mauvaise sensibilité diagnostique.
  • La mesure de la pression dans les loges peut être envisagée pour diagnostiquer un syndrome de loge post-reperfusion, lorsque le diagnostic clinique est incertain.1 1  Physiologiquement, la valeur est comprise entre 10 et 15 mmHg chez l’adulte. On considère qu’au-delà de 30 mmHg (valeur seuil du syndrome de loge), le flux capillaire est bloqué.

  • Pour les patients qui ont eu une revascularisation pour une une ischémie aiguë d’un membre inférieur, la fasciotomie prophylactique de routine n'est pas recommandée, car elle est associée à un séjour prolongé à l'hôpital, une infection locale et le développement d'une insuffisance veineuse profonde tardive.1 1 Une fasciotomie prophylactique des quatre loges doit être envisagée si l'ischémie avant revascularisation a été profonde ou prolongée.1 1

c) traitement

  • Pour les patients ayant subi une revascularisation pour une ischémie aiguë d’un membre inférieur, une fasciotomie d'urgence des quatre loges ((antérieure, latérale, postérieure superficielle, postérieure profonde) est recommandée pour traiter le syndrome de loge (compartimental) post-ischémique.1 1

  • Lorsqu’un syndrome de loge (compartimental) post ischémique d’un membre inférieur est diagnostiqué, la fasciotomie doit être envisagée dès que possible, et toujours dans les deux heures.1

  • Fasciotomie de membre inférieur d'après : 1 

4) Amputation

Elle est Indiquée  :

  • En urgence en cas d'ischémie dépassée (échec de revascularisation et/ou une prise en charge trop tardive).
  • En urgence en cas de sepsis lié à une surinfection de la nécrose (nécrose humide) ou en cas de syndrome de reperfusion non contrôlé par les mesures médicales.
  • Dans les autres cas, il est licite d’attendre la délimitation des lésions nécrotiques afin de déterminer le niveau d’amputation optimal (orteils, transmétatarsienne, transtibiale ou transfémorale).

 

ÉVOLUTION/PRONOSTIC

  • Le succès clinique des patients opérés pour ischémie aiguë de membre inférieur est défini par la préservation de la perméabilité des artères traitées, la survie à un an et le sauvetage de membre.1
  • Le pronostic est essentiellement conditionné par la durée d’ischémie et sa sévérité, le délai d’introduction du traitement anticoagulant et de la revascularisation.
  • Les séries rapportent un taux d’amputation de 13 % et un taux de mortalité précoce de 10 %.1
  • Deux marqueurs biologiques semblent également être prédictifs d’amputation majeure : le taux de CPK et la polynucléose neutrophile en préopératoire. 
    • L’élévation des CPK est un facteur prédictif d’amputation majeure. Sur une série de 97 patients, 56,2 % de ceux ayant un taux de CPK élevé ont subi une amputation majeure contre 4,6 % seulement parmi ceux ayant un dosage de CPK normal à l’admission 1 1
    • Les lésions d’ischémie participent à l’activation des leucocytes neutrophiles. Le ratio neutrophile/lymphocyte reflète cette activation. Il a été observé un taux d’amputation de 23 % chez les patients hospitalisés pour ischémie aiguë ayant un ratio supérieur à 5,2 contre 8 % chez ceux ayant un ratio inférieur à 5,2 (p < 0,001).1

PRÉVENTION

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SURVEILLANCE

  • Après revascularisation, on complétera le bilan afin de préciser l'étiologie de l'ischémie aiguë. En fonction de la cause retenue, un traitement complémentaire spécifique sera mis en place afin d'éviter une récidive
  • Après revascularisation pour une IADM, un suivi doit être envisagé, incluant l'état cardiovasculaire du patient et l'état fonctionnel du membre.
  • Pour les patients revascularisés pour une IADM d'origine embolique, il est recommandé, dans la mesure du possible, de rechercher la source de l'embolie afin de prévenir la récidive.
  • Après une revascularisation pour IADM causée par un embole secondaire à une fibrillation auriculaire ou à un thrombus intracardiaque, une anticoagulation au long cours est recommandée.
  • Pour les patients qui ont eu une revascularisation pour une IADM d'origine embolique, une anticoagulation au long cours peut être envisagée pour les patients sans fibrillation auriculaire ou thrombus intracardiaque.
  • Une anticoagulation au long cours peut être envisagée après une thrombectomie ou un traitement endovasculaire d'une occlusion d’un pontage prothétique.
  • Un traitement antiplaquettaire ou une anticoagulation et des statines sont recommandés au long cours pour réduire les événements cardiovasculaires après revascularisation d'une IADM causée par une thrombose de l'artère native, une thrombose d'un anévrisme de l'artère poplitée ou l'échec d'une revascularisation antérieure.
  • Pour les patients traités pour un anévrisme thrombosé de l'artère poplitée, un suivi écho-Doppler régulier doit être envisagé après une chirurgie ouverte ou endovasculaire.

CAS PARTICULIERS

A) Diagnostic et traitement de l’ischémie aiguë des membres supérieurs.

  • Pour les patients présentant une ischémie aiguë du membre supérieur, l’imagerie préopératoire est recommandée, sauf si l’origine embolique est évidente, le membre immédiatement menacé et les pouls axillaire ou brachiaux proximaux sont palpables.
  • Pour un patient présentant une ischémie aiguë du membre supérieur, un traitement conservateur par anticoagulation seule n’est pas recommandé si le bras est menacé ou si la fonction du membre est importante pour la qualité de vie.

B) Ischémie aiguë des membres chez les enfants

  • Pour les nourrissons et les enfants de moins de 2 ans souffrant d'IADM, une gestion conservatrice initiale par l'héparine est recommandée.
  • Pour les nourrissons et les enfants devant recevoir un cathétérisme fémoral, une ponction guidée par échographie et un examen échographique post-opératoire doivent être envisagés.
  • Pour les nourrissons et les enfants atteints d'IADM sans amélioration après un traitement conservateur par l'héparine, une thrombolyse ou une revascularisation chirurgicale ouverte peuvent être envisagées.
  • Chez les écoliers présentant une fracture supra-condylienne de l’humérus et une main sans pouls qui reste cliniquement colorée une surveillance vigilante peut être considérée comme une alternative à l'exploration chirurgicale immédiate.

C) Ischémie aiguë du membre inférieur secondaire à un anévrisme de l'artère poplitée

  • Pour les patients présentant une IADM secondaire à une thrombose d'un anévrisme de l'artère poplitée, une réparation de l'anévrisme par pontage veineux saphène doit être envisagée.
  • Pour les patients présentant une IADM secondaire à un anévrisme de l'artère poplitée, une thrombolyse préopératoire ou per-opératoire pour améliorer le débit, doit être envisagée.
  • Pour les patients atteints d'IADM secondaire à un anévrisme de l'artère poplitée, l’implantation d’un stent n'est pas recommandée en traitement de première intention.1

THÉRAPIES FUTURES

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RÉFÉRENCES