Rupture du tendon tibial antérieur

mise à jour
Mise à jour 21/12/2021

INTRODUCTION/GÉNÉRALITÉ

  • Le tibial antérieur est le principal fléchisseur dorsal de la cheville (80 % de la force). Il est également abducteur et pronateur du pied en raison de son insertion sur le bord médial du pied.

  • La rupture du tendon tibial antérieur reste une pathologie rare. Les publications à ce sujet sont peu nombreuses et concernent le plus fréquemment des cas isolés 1 1 1 1 1 1 1 ou de petites séries.1 1 1 1
  • La revue de la littérature ne permet pas de décrire un schéma thérapeutique formel. 
  • L’attitude thérapeutique doit donc être adaptée au cas par cas.

HISTORIQUE

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Anatomie

Le muscle tibial antérieur est le plus médial des quatre muscles de la loge antérieure de la jambe. Proximalement, il s’insère sur :

  • le tubercule de Gerdy ;
  • la tubérosité latérale et la face latérale du tibia jusqu’au tiers distal de cet os ;
  • la partie proximale et médiale de la membrane interosseuse ;
  • le quart proximal de la face profonde de l’aponévrose jambière ;
  • la cloison fibreuse qui à la partie proximale de la jambe le sépare de l’extenseur propre de l’hallux.

Son tendon apparaît à la partie centrale de la jambe à l’union des deux tiers proximaux et du tiers distal. Le tendon est enveloppé d’une gaine synoviale qui s’étend depuis quelques centimètres sous la jonction myotendineuse jusqu’à son insertion distale sur la face plantaire et médiale du 1er cunéiforme et sur la base plantaire du 1er métatarsien. Sur son trajet, le tendon passe sous le rétinaculum proximal des extenseurs puis sous la bifurcation du rétinaculum distal. Selon Kelikian (1985), c’est dans le triangle formé par le rétinaculum proximal et distal que la plupart des ruptures du tendon tibial antérieur se situent.

La partie proximale du tendon est principalement vascularisée par l’artère tibiale antérieure, alors que la partie distale reçoit des branches de l’artère tarsienne médiale. Les vaisseaux pénètrent la face dorsale du tendon via des vinculae. Geppert 1 publie en 1993 les résultats d’une étude sur la vascularisation du tendon tibial antérieur réalisé au moyen de techniques d’injection vasculaire conventionnelle. Il n’observe aucune zone hypovascularisée. En 1999, Petersen 1 utilise des techniques immunohistochimiques de détection des vaisseaux et constate que la vascularisation du tendon n’est pas homogène et qu’il existe une zone hypovascularisée débutant de 5 à 16 mm proximalement par rapport à l’insertion distale et s’étendant sur 45 à 67 mm de long. Cette zone correspond à la région anatomique où le tendon est situé sous le rétinaculum proximal et distal. La différence de résultat entre ces deux travaux s’explique selon Petersen par la plus grande finesse et fiabilité des techniques immunohistochimiques par rapport aux techniques conventionnelles.

Le muscle est innervé par le nerf fibulaire profond.

PHYSIOPATHOLOGIE

La rupture du tendon tibial antérieur est une pathologie rare, moins de 80 cas ont été rapportés dans la littérature. L’étiologie est de deux types : les lésions par traumatismes directs ou indirects ou les lésions dégénératives.

  1. Les lésions traumatiques directes sont le plus souvent liées à une plaie pénétrante qui, comme pour les lésions tendineuses de la main, peut-être punctiforme et présenter superficiellement un aspect anodin. Ici aussi, en cas de doute une exploration s’impose. Plus rarement, la lésion du tendon peut être secondaire à une fracture des os de la jambe entraînant dilacération ou incarcération du tendon.1 1
  2. Les traumatismes indirects correspondent à un mouvement de flexion plantaire et d’éversion forcée avec dans le même temps une contraction réactionnelle du tibial antérieur. Ce type de mouvement contrarié peut survenir lors de certains accidents sportifs ou de manière plus banale lors d’une chute, par exemple en ratant une marche. Ces lésions sont rares chez le sportif mais plus fréquentes chez le sujet âgé où le terrain dégénératif est un facteur prédisposant à la rupture.
  3. Le dernier tableau est celui d’une rupture à bas bruit survenant sur un terrain dégénératif chez un sujet âgé ou dans un contexte inflammatoire (polyarthrite rhumatoïde, goutte 1, psoriasis 1), infectieux ou chez des patients débilités (diabète, prise de corticoïdes oraux), parfois après infiltration locale de corticostéroïdes. Notre expérience est que les tendinopathies distales du tibial antérieur sont beaucoup plus fréquentes que les ruptures et ont une incidenceplutôt féminine. Nous pensons que l’évolution des tendinopathies vers la rupture est un phénomène rare. Les ruptures surviennent le plus souvent entre 60 et 80 ans avec, chez elles, une prédominance masculine (65 à 75 % des cas 1 1). L’âge de survenue correspond à une période de changements physiologiques qui constituent des facteurs favorisants de survenue d’une lésion tendineuse (diminution de l’élasticité du tendon, réduction des mécanismes de compensation de la contraction musculaire, majoration du temps de réaction à l’étirement).Dans la plupart des cas, la zone de rupture se situe entre 5 et 30 mm par rapport à l’insertion distale. Cette localisation correspond à la zone hypovasculaire décrite par Petersen. L’existence d’une poulie de réflexion formée par le rétinaculum et la présence d’une zone d’hypovascularisation constituent des facteurs étiologiques important dans la survenue de ces lésions dégénératives.

ÉPIDÉMIOLOGIE

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FACTEURS DE RISQUES

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EXAMEN CLINIQUE

Le tableau clinique peut être assez variable en fonction du mode de survenue de la lésion, ce qui explique le fréquent délai diagnostic observé.1 1

  • En cas de plaie directe, l’anamnèse est souvent claire et le tableau clinique caractéristique.
  • Lorsqu’un traumatisme violent est invoqué chez un sujet jeune, un des pièges est d’évoquer une entorse de la cheville et de ne pas rechercher les signes de lésion tendineuse.
  • Chez les sujets plus âgés mais en bonne santé, le traumatisme peut être banal (accrochage d’une marche). La douleur initiale est souvent modérée et les signes inflammatoires s’amendent rapidement.1 On recherche les antécédents de tendinopathie ou de pathologie inflammatoire.

Dans la plupart des cas, l’examen clinique permet de faire le diagnostic :

  • L’examen de la marche met en évidence un steppage, mais dans certains cas celui-ci peut être minime ou n’apparaître qu’à la fatigue après une certaine durée de marche. On observe parfois une instabilité à la marche.
  • La flexion dorsale est le plus souvent conservée mais la force est nettement diminuée.
  • Le tendon n’est plus palpé et on note le recrutement des fléchisseurs dorsaux accessoires. Ceci explique l’apparition à moyen terme d’une griffe des orteils par perte de l’équilibre fléchisseurs-extenseurs.
  • On observe parfois la présence d’une tuméfaction plus ou moins douloureuse sous la partie supérieure du rétinaculum et correspondant au moignon tendineux rétracté (figure ci dessous).
  • Dans certains cas, une atrophie de la loge antérieure est visible.
1. Tuméfaction clinique formée par la présence du moignon proximal sous le rétinaculum proximal.
2. Aspect chirurgical du moignon à l’ouverture (T).

 

EXAMENS COMPLÉMENTAIRES

L’échographie et la résonance magnétique permettent de :

  • confirmer le diagnostic ;
  • localiser les extrémités tendineuses ;
  • préciser l’état de celles-ci 1 (figure ci-dessous).

Ces examens sont très utiles dans les cas douteux, par exemple lorsque la gaine du tendon est préservée, laissant persister une corde palpable, alors que le tendon est rompu ou gravement endommagé ou étiré. On peut également évaluer l’importance de l’involution graisseuse et celle de la dégénérescence musculaire qui sont des facteurs de pronostic dans les cas de diagnostic tardif ou de lésion chronique.

Rupture totale du tibial antérieur à l’IRM.
1. Coupe sagittale, moignon proximal (T).
2. Coupe parasagittale illustrant un tissu fibreux d’interposition (T-T).

 

DIAGNOSTICS DIFFÉRENTIELS

Dans les cas douteux, le bilan doit permettre d’exclure une autre étiologie à la perte de fonction musculaire du tibial antérieur, en particulier :

1. une atteinte neurologique : 

  • radiculopathie L4-L5, 
  • atteinte du nerf fibulaire (compression, kyste), 
  • mononévrite… ; 

2. une myopathie.

ÉTIOLOGIE

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COMPLICATIONS

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PRISE EN CHARGE THÉRAPEUTIQUE

A) Moyens Thérapeutiques

Il n’existe aucune evidence based medecine concernant le traitement des ruptures du tendon tibial antérieur. La plupart des auteurs recommandent un traitement chirurgical chez les patients sportifs, jeunes ou en bon état général pour leur âge.

1) Procédure conservatrice

Chez les patients âgés, débilités, fonctionnellement peu exigeants ou avec une histoire de pied tombant indolore depuis plusieurs mois, l’abstention thérapeutique est de mise. Si la gêne fonctionnelle est plus marquée, la kinésithérapie peut contribuer à restaurer une marche la plus fonctionnelle possible en limitant les  compensations et en entretenant la souplesse des muscles extenseurs dorsaux accessoires. Lorsque le handicap est plus marqué, le port d’une orthèse de type Godevilla ou équivalent permet de :

  • limiter le steppage ;
  • réduire le recrutement des extenseurs accessoires ;
  • limiter la pronation du médio-tarse et de l’arrière-pied.

2) Procédure chirurgicale

Chez les sportifs, les jeunes et les patients qui souhaitent retrouver une fonction la plus normale possible, la plupart des auteurs recommandent l’intervention chirurgicale. Son but est de redonner une marche normale et de prévenir les déformations secondaires (griffe d’orteil) en restaurant la force de flexion dorsale du tibial antérieur.

B) Technique Chirurgicale

1) Suture directe

  • C’est le traitement de toutes les lésions tendineuses nettes sans dilacération importante et ne nécessitant pas de recoupe tendineuse significative. Elle suppose l’absence de rétraction du corps musculaire comme on peut en observer en cas de délai diagnostic important. La technique est commune à toute suture tendineuse termino-terminale de même que les suites opératoires. Notons que lorsque la lésion se situe sous le rétinaculum proximal, certains auteurs préfèrent laisser le tendon en sous-cutanée ou laissent le rétinaculum partiellement ouvert afin d’éviter une perte de fonction liée aux adhérences.

2) Plasties tendineuses

Lorsqu’il existe une perte de substance tendineuse par dilacérations ou par dégénérescence mais que l’état du muscle est conservé, le tendon peut être reconstruit par une plastie. Celle-ci peut être réalisée de multiples façons par allogreffe ou autogreffe (plantaire grêle, extensor digitorum longus [EDL]).

a) Plastie au tibial antérieur

  • Lorsque le tendon tibial antérieur est suffisamment large, on peut effectuer une autoplastie en prélevant la moitié proximale du tendon et en la réinsérant distalement.
  • Le patient est installé en décubitus dorsal, un coussin sous la fesse homolatérale avec un garrot pneumatique au niveau de la cuisse.
  • L’incision est médiale par rapport au tendon tibial antérieur et sa longueur adaptée au type de lésion.
  • Les rétinaculums proximal et distal sont ouverts et repérés si nécessaire.
  • L’extensor hallucis longus (EHL) est rétracté latéralement protégeant ainsi le paquet vasculonerveux.
  • La gaine du tendon est incisée longitudinalement et les extrémités du tendon sont réséquées jusqu’en zone saine. 
  • Dans les cas où une suture directe semble possible, le débridement est économe et on limite le stripping de la gaine tendineuse surtout distalement, afin d’éviter toute dévascularisation inutile du tendon. Lorsque la suture directe paraît impossible en raison d’une trop grande perte de substance, mais que le tendon tibial antérieur est suffisamment épais, on peut prélever la moitié proximale de celui-ci.
  • On réalise une incision proximale de 2 à 3 cm de long sur le trajet tendineux.
  • Le tendon et repéré puis divisé en deux. L’une des moitiés est sectionnée proximalement, puis lassée sur un fil solide qui sert de tracteur. Le moignon résiduel est solidarisé au reste du tendon par deux à trois points de Vicryl® 0.
  • À l’aide de ciseaux à bout mousse ou d’une pince courbe de type Bengolea, un tunnel sous-cutané est réalisé jusqu’au niveau de l’incision distale. Le fil de tracteur est passé de haut en bas dans ce tunnel. Par traction, l’hémitendon est strippé jusque dans l’incision distale en veillant à maintenir une jonction suffisante. Celle-ci est renforcée par quelques points de PDS® 0.
  • Lorsque le prélèvement est très long, une ou deux contre-incisions sur le trajet du tendon peuvent faciliter la manœuvre.
  • Si le moignon distal du tibial antérieur est suffisamment long, la plastie est suturée directement sur celui-ci selon Pulvertaft, après avoir placé le pied à angle droit et en légère supination.
  • Dans le cas inverse, le tendon est réinséré en transosseux à la face médiale du premier cunéiforme (tunnel de 3,5 à 4,5 mm de diamètre selon l’épaisseur du tendon).
  • Notons, comme pour toute chirurgie de transfert, qu’il est recommandé d’effectuer la suture ou la réinsertion distale après fermeture de toutes les autres incisions afin d’éviter toute sollicitation inutile du tendon avant mis en place de la contention plâtrée. Le rétinaculum est suturé au Vicryl® 2/0 en laissant la greffe en sous-cutanée.
  • Un pansement légèrement compressif est appliqué et le garrot pneumatique est lâché.
  • Le patient est immobilisé dans une attelle plâtrée postérieure pendant 2 à 3 semaines, puis dans une botte de marche jusqu’à 6 à 8 semaines. Une mobilisation progressive peut être entreprise à la 5e semaine sous protection d’une botte amovible chez les patients compliants.
  • Une rééducation complète est proposée à partir de la 9e semaine. Il est 1 conseillé de garder une attelle postérieure de repos nocturne jusqu’à 3 mois et d’éviter toute activité sportive avec course et saut jusqu’au 6e mois.

b) Plastie à l’extenseur digitorum longus1 1

  • Lorsque le prélèvement d’un hémitendon tibial antérieur est impossible, on peut recourir aux prélèvements des 4e et 5e bandelettes de l’EDL.
  • Par une incision distale d’environ 3 cm située proximalement par rapport aux têtes métatarsiennes en regard du 4e espace, les bandelettes de l’EDL sont repérées et sectionnées. 
  • Le moignon distal est ténodésé sur l’extensor digitorum brevis (EDB). Par l’incision proximale, l’EDL est repéré. Les bandelettes des 4e et 5e rayons sont rétractées puis sectionnées. Les moignons proximaux sont ténodésés sur les bandelettes restantes.
  • La greffe est interposée au niveau de la perte de substance et suturées en Pulvertaft. Au besoin, une réinsertion transosseuse est effectuée.

C) Transferts tendineux

  • Ils sont indiqués lorsqu’une perte de substance du tendon s’accompagne d’une amyotrophie ou d’une perte de la qualité fonctionnelle du muscle, par exemple en raison de la présence d’adhérences importantes. Ces deux muscles (EHL et EDB) ont une force relative trois à quatre fois inférieure à celle du tibial antérieur.1
  • Notons enfin qu'en cas d'échec de ces techniques ou d’impossibilité de transfert d'un agoniste, on peut recourir à d'autres transferts tels que ceux du tibial postérieur ou des fibulaires.

a) Transfert à l’extenseur digitorum longus1 1

  • Kelikian (1985) a proposé de transférer les 2e et 3e bandelettes de l’EDL.
  • Par une incision en regard du 2e espace, légèrement proximale par rapport aux têtes métatarsiennes, les tendons de l’EDL sont repérés, puis sectionnés.
  • La bandelette distale est ténodésée sur l’EDB.
  • Les 2e et 3e bandelettes de l’EDL sont rétractées dans l’incision proximale et bien individualisées des deux autres afin de permettre leur transfert vers le bord médial du pied, où elles sont suturées au moignon du tibial antérieur ou réinsérées en transosseux.
  • Une ténodèse proximale, latéro-latérale, du tibial antérieur sur les deux bandelettes de L’EDL peut être effectuée, mais elle n’a de sens que si le muscle a gardé une fonction.

b) Transfert de l’extenseur propre de l’hallux

  • Parallèlement, Tohen (1966) a décrit le transfert du long extenseur de l’hallux (EHL) pour restaurer la fonction du tibial antérieur.
  • Par une petite incision distale au dos du 1er métatarsienne, le tendon est repéré et sectionné. Le moignon distal est ténodésé sur l’extensor hallucis brevis ou sur la 2e bandelette de l’EDL.
  • L’EHL est rétracté dans l’incision proximale et transféré au bord médial du pied, où il est suturé ou réinséré comme déjà décrit.
  • Le geste est complété par une ténodèse latéro-latérale du tibial antérieur sur l’EHL lorsque le muscle tibial antérieur est resté fonctionnel.
1. Schéma du transfert de l’EHL sur le 1er cunéiforme : (1) rétinaculum, (2) EHB, (3) EHL, (4) réinsertion transosseuse, (5) tibial antérieur.
2. Aspect peropératoire du transfert : incision du prélèvement et transfert de l’EHL (absence de plantaire grêle lors de l’exploration para-achiléenne).

 

ÉVOLUTION/PRONOSTIC

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PRÉVENTION

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SURVEILLANCE

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CAS PARTICULIERS

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Résumé

  1. L’étiologie et le mode de survenue des lésions du tendon tibial antérieur sont bien connus.
  2. La rareté de ces lésions explique l’absence de publication faisant état de grande série.
  3. À l’exception des sutures directes, aucune technique n’a été validée statistiquement ni fait la preuve de meilleurs résultats par rapport à une autre. De même, la supériorité du traitement chirurgical par rapport au traitement conservateur constitue une impression autorisée et favorable, mais non validée.
  4. Il ressort néanmoins à la lecture de la littérature que le traitement conservateur donne des résultats fonctionnels acceptables mais limités et doit être réservé aux sujets âgés, peu exigeant ou en mauvais état général. Dans les autres cas, le traitement chirurgical semble donner le meilleur résultat surtout lorsqu’une suture 
  5. directe ou une plastie locale sont aussi réalisables.
  6. Le transfert de muscle agoniste paraît donner des résultats assez moyens.

RÉFÉRENCES