Syndromes aortiques aigus

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Mise à jour 09/08/2020

INTRODUCTION/GÉNÉRALITÉ

Terme qui inclue :

  • Dissection Aortique 
  • Hématome Pariétal (intramural) (IMH) 
  • Ulcère Aortique symptomatique (plaque d’athérosclérose pénétrante)
  • Rupture d’anévrisme
  • Rupture traumatique de l’isthme aortique

HISTORIQUE

  • La dissection aortique (DA) a été décrite pour la première fois en 1760 par Frank Nicholls dans son rapport d’autopsie du roi Georges II. Il a ensuite fallu attendre près de 200 ans pour que la première série clinique soit publiée, et que le premier traitement chirurgical d’une dissection aortique soit rapporté.
  • En 1965, DeBakey et al. distinguent les variantes cliniques de la DA selon son origine au niveau de l’aorte ascendante (Type I et II) ou de l’aorte thoracique descendante (type III), notant que les dissections de type III différaient de manière significative des types I et II en terme de présentation clinique et de pronostic. 
  • La classification de Stanford sera développée en 1970 basée sur la distinction de ces 2 tableaux cliniques et leur prise en charge initiale différente, que représentent les dissections avec atteinte de l’aorte ascendante (Type A) versus les dissections aortiques épargnant l’aorte ascendante (Type B). 
  • Si la prise en charge des dissections de type A est rapidement codifiée en raison de leur urgence vitale, les modalités de diagnostic et la prise en charge thérapeutique des dissections de l’aorte thoracique descendante (DeBakey III ou Stanford B) n’évolueront que lentement durant la seconde moitié du 20ème siècle, parallèlement au développement de nouvelles approches diagnostiques et thérapeutiques. 
  • C’est depuis la fin des années 90 et l’avènement des techniques endovasculaires pour l’aorte thoracique que la prise en charge des DAB connaît une révolution.1

PHYSIOPATHOLOGIE

Dissection Aortique Aigue se caractérise par :

  • Déchirure dans l’intima généralement précédée par dégénérescence de la média ou nécrose cystique de la média 
  • Le sang passe à travers orifice en séparant intima de la média ou de l’adventice, créant fausse lumière : Faux Chenal
  • Propagation de dissection : antérograde (+) ou rétrograde à partir de l’orifice, touchant les branches Aortiques et provoquant des complications : syndromes de bas débit, tamponnade, ou insuffisance valvulaire Aortique 

La classification de De Bakey est historiquement la plus ancienne, elle différencie 3 types selon l’étendue et la topographie du processus :

  • Type 1 : affecte l’ensemble de l ‘aorte 
  • Type 2 : ne touche que l’aorte ascendante 
  • Type 3 : ne touche que l’aorte descendant

La classification de Stanford, plus récente, correspond mieux aux indications thérapeutiques qui en découlent, et elle distingue 2 types :

  • Type A : touche l’aorte ascendante
  • Type B : ne touche pas l’aorte ascendante

Dans les deux classifications, une subdivision ( a et b ) peut être ajoutée selon l’extension ou non à l’aorte abdominale.

ÉPIDÉMIOLOGIE

  • Incidence annuelle : 3 cas pour 100 000 pers./an.1
  • Homme 40 à 70 ans (HTA : 50 %)
  • Dissection Aortique  : 2 à 3 fois plus fréquent que rupture Anévrisme de l'Aorte Abdominale.
  • Dissection Aortique  : 1 pour moins de 20 IDM

FACTEURS DE RISQUES

  • Déchirure dans intima : HTA
  • Perforation intimale d’origine indéterminée (souvent dégénérescence du collagène et élastine de la media : Marfan et Ehlers-Danlos)
  • Hématome Pariétal
  • Ulcère Aortique symptomatique (plaque d’athérosclérsclérose)

EXAMEN CLINIQUE

A) A la phase aigue :

1) La douleur thoracique est le signe essentiel (dans la dissection classique):

  • d’installation brutale, et intolérable.
  • de siège initial rétrosternal, cervical, dorsal, épigastrique ou plus rarement lombaire ou abdominal
  • elle a tendance à migrer en suivant le trajet aortique (ex : antérieure, irradiant vers le haut puis interscapulaire, puis lombaire).
  • elle peut mimer la douleur de l’infarctus, mais celle ci démarre plus lentement et s’accompagne d’une oppression.
  • elle peut rester isolée.

2) Elle peut être associée à une symptomatologie liée à une complication ou à l’atteinte des branches de l’aorte :

  • syncope, collapsus (tamponnade cardiaque) ou au contraire une hypertension,
  • insuffisance ventriculaire gauche (liée à l’insuffisance aortique) 
  • infarctus, inférieur surtout (coronaire droite ++)
  • ischémie d’un membre supérieur (sous clavière)
  • tableau d’accident vasculaire cérébral (troncs cérébraux)
  • paraplégie (intercostales)
  • ischémie mésentérique (artères à destinée digestive)
  • anurie (artères rénales)
  • ischémie d’un membre inférieur (iliaques )

3) L’examen clinique recherche :

  • un souffle d’insuffisance aortique,
  • un frottement péricardique,
  • une asymétrie des pouls
  • un déficit moteur
  • une asymétrie du murmure vésiculaire 
  • une ischémie des membres inférieurs1

B) A la phase chronique :

  • Il arrive que le diagnostic ne soit envisagé qu’à la phase chronique, après une forme clinique atypique, devant des douleurs thoraciques, une fièvre durable, un élargissement du médiastin sur le cliché thoracique.

EXAMENS COMPLÉMENTAIRES

A) ECG (Electrocardiogramme) 

  • réalisé en urgence a un intérêt s’il reste normal
  • mais peut montrer un tracé d’infarctus, en particulier par occlusion de la coronaire droite, conduisant parfois à une thrombolyse délétère.

B) Biologie :

1) D-dimères :

  • Les D-Dimères sont des produits spécifiques de la dégradation de la fibrine, dont la présence à des taux élevés signifie que de la fibrine a été produite puis lysée. Le dosage des D-Dimères est utilisé depuis une dizaine d’années en France dans la stratégie diagnostique d’exclusion de la maladie thrombo-embolique.
  • Plusieurs études encourageantes (méthode de dosage variable, petit effectif de patients…) mettent en évidence un intérêt au dosage des D-Dimères dans les suspicions de dissection aortique aux urgences1 1 : une valeur négative des D-Dimères permettraient d’exclure avec une quasi-certitude le diagnostic. Au contraire, un taux très élevé de D-Dimères pourrait avoir valeur de mauvais pronostic.
  • Une méta-analyse1 publiée en 2011 suggère qu’un taux de D-Dimères négatif permet d’éliminer avec une excellente sensibilité, et valeur prédictive négative le diagnostic de dissection de l’aorte aiguë. 
  • En l’absence d’étude clinique d’impact sur un grand nombre de patients, l’utilisation des D-Dimères est déconseillée pour la suspicion de dissection aortique.

2) Troponine :

  • L’élévation du taux de troponine dans le sang traduit une nécrose myocardique, qu’elle soit d’origine ischémique, inflammatoire, infectieuse, toxique ou traumatique. Dans le cadre d’une élévation d’origine ischémique. Dans ce cas, l’IDM :est secondaire à un évènement coronarien par dissection coronarienne : IDM avec ou sans sus-décalage du segment ST ; 

3) Bilan préopératoire : 

  • NFS, Plaquettes, TP, TCA, Groupe, Rhésus, RAI, Ionogramme, urée, créatininémie

C) Imagerie

1) La radiographie thoracique 

  • peut montrer un élargissement du bouton aortique (supérieur à 50 mm )
  • ou un épanchement pleural gauche ( hémothorax ).

2) Angio-scanner Thoracique :

  • CONFIRME le diagnostic
  • Examen de référence en urgence
  • Synchronisé au rythme cardiaque pour éliminer les artéfacts de mouvements cardiaques sur l’aorte thoracique ascendante. 

Réalisé en 2 temps :

  • sans injection de produit de contraste iodé: impératif pour le diagnostic d’hématome intramural.
  • avec injection de produit de contraste iodé : 120 ml de produit de contraste iodé à un débit d’injection entre 3 et 4 ml/s. Suivi de bolus, zone de déclanchement : aorte descendante. Doit être répétée si nécessaire pour étudier la perfusion de 2 chenaux.

Met en évidence :

  • visualisation du flap (voile) intimal séparant les 2 chenaux, les portes d’entrée et de réentrée de la dissection.
  • extension de la dissection aux troncs supra-aortiques, aux artères coronaires, aux artères des viscères abdominaux, jusqu’aux artères fémorales communes
  • malperfusion viscérale :
    • statique : extension de la dissection à l’artère
    • dynamique : le faux chenal vient obstruer la lumière artérielle 
    • Parenchymographie : cœur, reins …1

DIAGNOSTICS DIFFÉRENTIELS

  • Origine cardiaque : SCA, embolie pulmonaire, péricardite
  • Origine pulmonaire : Epanchement pleural gazeux ou liquidien, pneumopathie..
  • Origine ostéoarticulaire.

ÉTIOLOGIE

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COMPLICATIONS

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PRISE EN CHARGE THÉRAPEUTIQUE

Le patient doit être transféré le plus rapidement possible dans un secteur de soins intensifs cardiologiques, et une voie veineuse doit être mise en place de même que la surveillance tensionnelle .

A) Traitement médical

1) Absence de choc :

a) Antalgie : titration morphinique

b) Maintenir la pression artérielle systolique (PAS) autour de 100 et 120 mmHg avec une FC autour de 60/min :

  • Bêtabloquant : esmolol (Brevibloc) IVSE, débuter à 100mg/h et augmenter de 10 mg/h toutes les 5 minutes.

OU

  • Inhibiteur calcique : Loxen 1mg/3min en IVD puis relai à 2mg/h IVSE à augmenter par palier de 1 mg/h.

c) Ensuite, le patient est orienté vers un centre disposant d’une chirurgie cardiaque et en fonction du tableau, sera décidé :

  • soit la poursuite du traitement médical
  • soit un traitement chirurgical
  • soit un traitement par radiologie interventionnelle

2) Présence de choc :

  • Remplissage vasculaire par cristalloïdes (sérum physiologique) : Maintenir une PAS entre 90-100 mmhm
  • Acide tranexamique (exacyl : 1g en IVL)
  • Si échec : Noradrénaline IVSE
  • Si échec : Ballon intra-aortique occlusif à discuter
  • Discuter intubation oto-trachéale en fonction du contexte.
  • Transfert du patient en réanimation chirurgicale avec avis chirurgicale en urgence

B) Traitement chirurgical 1

1) Qui et quand opérer d'une dissection aortique ?

On opère les patients atteints des types suivants de dissection aortique :

  • Type A (la dissection concerne l’aorte ascendante) : car le risque est l’évolution vers la rupture intra péricardique,
  • type B (la dissection concerne l’aorte après l’artère sous-clavière gauche) : seulement en cas de complications à discuter avec le traitement endoluminal.
  • une déchirure aortique s’opère en urgence, sans perdre de temps.

2) Le traitement de la déchirure aortique :

  • Le principal traitement de cette pathologie est chirurgical.
  • L’intervention est réalisée sous anesthésie générale et nécessite l’ouverture du sternum (sternotomie médiane) ainsi que la mise en place d’une circulation extra-corporelle (machine cœur-poumon) dans des conditions parfois difficiles.
  • Elle consiste à ouvrir la partie initiale de l’aorte et retirer la partie où la paroi est déchirée (rupture intimale) puis à la remplacer par un tube prothétique en Dacron (textile synthétique) que l’on suture sur les bouts d’aorte saine.
  • Si la dissection s’est étendue jusqu’à la valve aortique, on remplace la partie déchirée de l’aorte et la valve par un tube prothétique porteur d’une valve( intervention de Bentall) ou on réalise une intervention de Tirone David de préférence. Les conditions chirurgicales peuvent être très périlleuses en urgence, le pronostic vital est engagé et des séquelles, notamment neurologiques, ne sont pas exceptionnelles.

3) Les différentes opérations :

Selon les segments de l’aorte touchés, l’intervention consiste en :

  • Conservation ou non de la valve aortique (intervention de Tirone David ou de Bentall),
  • remplacement de l’aorte ascendante disséquée,
  • remplacement de la crosse aortique.

C) Traitement endovasculaire :

  • Le traitement endovasculaire de référence consiste à la mise en place d’une endoprothèse thoracique couverte dans l’aorte afin de fermer la porte d’entrée de la dissection. Il est recommandé en en 1ère intention en cas de DA de type B aiguë compliquée (niveau I, grade B ou C) et peut être considéré en cas de DA de type B aiguë non compliquée en prévention des complications tardives (Recommandations de niveau IIa, grade C).
  • En cas de malperfusion statique, un stenting des artères viscérales ou rénales peut être réalisé le plus souvent associé à la mise en place de l’endoprothèse thoracique.
  • Plus rarement, une fenestration endovasculaire peut également être réalisée en cas de malperfusion dynamique si les techniques précédentes sont insuffisantes à restaurer le flux dans les organes mal perfusés.
  • Depuis, en 2 décennies, le traitement endovasculaire a remplacé en première intention la chirurgie conventionnelle en cas de DAB aiguë compliquée du fait de son caractère moins invasif et d’une morbi-mortalité intra-hospitalière nettement diminuée par rapport à la chirurgie conventionnelle
  • Les objectifs à court terme du traitement par endoprothèse thoracique sont de fermer la porte d’entrée principale de la dissection et de réorienter le flux dans le vrai chenal pour permettre son expansion et la restauration du flux dans les artères viscérales naissant du vrai chenal et tarir le flux dans le faux chenal et entrainer une diminution de la pression dans celui- ci pour exclure/prévenir une rupture aortique.
  • A plus long terme, l’objectif est l’obtention d’un remodelage aortique positif correspondant à une thrombose du faux chenal associée à une régression de son volume afin de diminuer le risque d’évolution anévrysmale et de rupture secondaire.
  • Des critères morphologiques sont importants -et parfois limitatifs- au succès du traitement endovasculaire.
  • Cependant, le traitement endovasculaire de l’aorte thoracique n’est pas optimal et comporte des limitations, tant au niveau proximal que distal, sources de complications précoces et tardives.
  • Dépasser ces limitations proximales et distales du traitement endovasculaire est un enjeu majeur pour les chirurgiens vasculaires afin de diminuer la morbi-mortalité précoce et tardive de ces patients qui reste importante en dépit de l’amélioration des techniques diagnostiques, réanimatoires et endovasculaires

ÉVOLUTION/PRONOSTIC

  • Mortalité élevée (si non traité) : près de 50 % des patients décèdent à la phase aiguë < 48H (20% avant l'arrivée à l'hôpital).1
  • Mortalité intra-hospitalière :
    • Dissection proximale : 30 %
    • Dissection distale : 10 %
  • Survie à long terme de Dissection proximale opérée : 65-80 % à 5 ans ; 40-50 % à 10 ans 

PRÉVENTION

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SURVEILLANCE

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CAS PARTICULIERS

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THÉRAPIES FUTURES

Différentes techniques endoluminales innovantes permettent améliorer le traitement des dissections aortiques de type B :

  • Au niveau de la crosse aortiques, un modèle d’endoprothèse échancrée par le chirurgien permet un traitement endovasculaire exclusif en urgence des dissections aortiques de type B aiguë compliquée avec un collet court ou une atteinte de la crosse aortique. Cette technique, comme cela a été décrit récemment, devrait permettre plus largement le traitement en urgence de certaines lésions de la crosse et de l’aorte ascendante. 
  • A l’avenir, l’idéal serait d’avoir des endoprothèses thoraciques échancrées standardisées manufacturées et disponibles « sur l’étagère », basées sur des études anatomiques de la crosse. 
  • Concernant le stenting nu extensif ballonné de l’aorte thoraco-abdominale dans les dissections aortiques de type B aigües, cette technique permet un remodelage immédiat extensif de la dissection qui devrait permettre de diminuer le risque d’évolution anévrysmal au niveau de l’aorte thoraco-abdominale. 
  • Les résultats de cette technique devront être analysés à plus long terme pour évaluer l’impact réel en terme de réintervention et de morbi-mortalité chez ces patients. Elle pourrait aussi s’avérer bénéfique chez les patients ayant une DA de type I pour traiter l’aorte distale après traitement de l’aorte ascendante, chez les patients ayant une dissection chronique ou les patients ayant une DAB dans le cadre d’une maladie de marfan.

RÉFÉRENCES