Céphalée chronique quotidienne (CCQ)

mise à jour
Mise à jour 14/04/2021

INTRODUCTION/GÉNÉRALITÉ

A) Ce chapitre aborde deux céphalées chroniques quotidiennes 

  • La migraine chronique qui est une céphalée primaire
  • La céphalée chronique quotidienne par abus médicamenteux qui donc par définition est une céphalée secondaire.

B) Céphalée chronique quotidienne (CCQ) 

  • Il s’agit d’un terme inapproprié, puisqu’il n’y a pas besoin que la céphalée soit quotidienne pour que l’on puisse employer ce terme : c’est la présence d’une céphalée survenant au moins 15 jours par mois depuis au moins 3 mois.
  • Les CCQ sont habituellement assimilées aux CCQ primaires et doivent être différenciées des CCQ secondaires (c'est à dire révélant une autre pathologie) qui peuvent être causées par de nombreuses étiologies. La prise en charge des CCQ secondaires est différente de celles des CCQ primaires et, hormis pour celle secondaire à un abus médicamenteux survenant chez le migraineux, elle ne fait pas l’objet des présentes recommandations.1 
  • De même, les recommandations ne concernent pas les CCQ primaires de courte durée dont la principale est l’algie vasculaire de la face chronique. Les CCQ primaires sont dans la pratique assimileées aux CCQ de longue durée, qui sont définies comme des CCQ primaires dont les épisodes céphalalgiques sont d’une durée supérieure à 4 heures sans traitement. Les CCQ primaires sont généralement une complication de la migraine et/ou de la céphalée de tension épisodique, et sont fréquemment associées à un abus médicamenteux.

  • On distingue 4 entités:  la migraine chronique, la céphalée de tension chronique, l’hemicrania continua et la CCQ de novo. Le diagnostic de ces entités repose sur les critères diagnostiques de la version bêta de la troisième édition de la classification internationale des céphalées publié par l’IHS en juillet 2013 (ICHD-III bêta). 1
Arbre décisionnel des céphalées chroniques quotidiennes (CCQ).

 

HISTORIQUE

Votre texte ici

PHYSIOPATHOLOGIE

Votre texte ici

ÉPIDÉMIOLOGIE

A) CCQ :

  • La prévalence de l’ensemble des CCQ est comprise entre 2,5 et 4 % de la population.1 1 1
  • En France, celle-ci a été estimée à 3 % de la population âgée de plus de 15 ans.1 
  • L’incidence des CCQ n’est pas connue, mais une étude nord-américaine a démontré que 2,5 % des sujets souffrant de migraine épisodique développent une CCQ en une année.1
  • Les CCQ prédominent chez la femme entre 40 et 50 ans.
  • Les CCQ altérèrent profondément la qualité de vie et génèrent des coûts directs et indirects considérables. 

B) Migraine chronique

  • Selon une revue récente de la littérature, la prévalence de la migraine chronique varie de 1,4 % à 2,2 % [13].
  • En France, 1,7 % des adultes présenteraient une migraine chronique sans abus médicamenteux et 0,8 % une migraine chronique associée à un abus médicamenteux.1 1

C) céphalée par abus médicamenteux

  • La prévalence de la céphalée par abus médicamenteux est estimée à 1 % de la population générale adulte.1 1
  • En France, une étude en population générale adulte a estimé 0,8 % la prévalence des migraineux souffrant de CCQ associée à un abus médicamenteux.1
  • L’incidence de la céphalée par abus médicamenteux n’est pas connue en population générale.

D) Autres CCQ

  • La céphalée de tension chronique a une prévalence estimée entre 0,6 % 1 et 3,3 %.1
  • La CCQ de novo et l’hemicrania continua sont des céphalées rares en population générale dont la prévalence exacte est inconnue.

FACTEURS DE RISQUES

A) Facteurs de risque de la migraine chronique

L’ épidémiologie analytique a permis d’identifier des facteurs de risque de la transformation d’une migraine épisodique vers une migraine chronique :1 1

  • Certains de ces facteurs sont non modifiables : la race caucasienne, le sexe féminin, l’âge, le faible niveau socio-économique, la séparation conjugale et les antécédents de traumatismes crâniens.
  • D’autres sont modifiables : la fréquence des crises migraineuses (avec une relation entre la fréquence des crises et la probabilité de développer une migraine chronique qui n’est pas linéaire et un seuil de majoration du risque à partir de 3 crises par mois), l’augmentation de l’index de masse corporelle, l’abus médicamenteux en traitement de crise, l’abus en caféine, les évènements biographiques stressants et le ronflement nocturne.
  • D’autres facteurs de risque potentiels sont également discutés : l’existence d’une allodynie cutanée, les comorbidités avec un état pro-inflammatoire et un autre syndrome douloureux chronique notamment d’origine musculo-squelettique.

L’identification de tels facteurs conduit intuitivement à envisager une possible prévention de la migraine chronique par leur contrôle (AP). Néanmoins, il n’existe pas de donnée factuelle robuste recueillie dans des études contrôlées qui attestent de l’efficience d’un tel contrôle.

A) Facteurs de risque de la céphalée par abus médicamenteux

  • Sur le plan sociodémographique, les céphalées par abus médicamenteux sont plus fréquentes chez les femmes et dans les milieux socio-économiques défavorisés.
  • L’abus médicamenteux caractérisant la céphalée par abus médicamenteux peut concerner tous les traitements de crise utilisés par les migraineux. Néanmoins,  les migraineux présenterait un risque globalement plus élevé de développer une CCQ si leur traitement de crise est constitué de médicaments non recommandés (opioïdes, barbituriques). 1

  • il existerait un lien plus complexe entre le risque de développer une CCQ et la nature pharmacologique du traitement de crise utilisé par les migraineux dès lors qu’était considérée la fréquence des crises : 

    • Les triptans et les AINS ne seraient pas associés à un risque accru de développer une CCQ lorsque le migraineux qui les utilise souffre d’une migraine épisodique à basse fréquence (< 10 j/ mois).

    • Ce risque augmente significativement (sans toutefois atteindre celui des opioïdes et des barbituriques) lorsque la migraine épisodique s’exprime à haute fréquence (10–14 j/ mois) (grade B). 1

    • Il serait important qu’une telle étude soit reproduite afin de confirmer les résultats et il convient d’être prudent quant à la généralisation des résultats dans la mesure où la pharmacopée antimigraineuse nord-américaine est particulière (présence de barbituriques dans de nombreuses spécialités antalgiques ce qui n’est pas le cas en Europe et notamment en France).

  • Les comorbidités psychiatriques sont des facteurs de risque de la céphalée par abus médicamenteux. Ainsi, il a été démontré que la fréquence des troubles anxieux, des troubles de l’humeur et de la consommation de substances psychoactives autres qu’antalgiques, était significativement plus importante chez les migraineux souffrant d’une céphalée par abus médicamenteux, que chez les migraineux ayant une expression épisodique de leur maladie (grade B).1 1

  • L’existence d’un comportement de dépendance est prédictif de la présence d’un abus médicamenteux chez les sujets souffrant de CCQ (grade B).1 Le rôle de la dépendance dans la céphalée par abus médicamenteux est supporté par un dysfonctionnement du cortex frontal 1 qui a été confirmé par des études en neuro-imagerie 1 1 et de neuropsychologie (grade B).1

EXAMEN CLINIQUE

Chez un patient souffrant de CCQ, la démarche diagnostique comprend plusieurs étapes successives.

A) Diagnostic positif de la CCQ

  • La première étape est de poser le diagnostic de CCQ qui correspond à une céphalée présente depuis au moins 15 jours par mois depuis au moins trois mois.
  • Lors de la première consultation, le nombre exact de jours avec céphalée peut être difficile à préciser si le patient n’a pas tenu un agenda au péalable car il peut alors sous-estimer ou surestimer ce nombre. Dans ce cas, après avoir éliminé une céphalée secondaire, il est recommandé de demander au patient de tenir un agenda afin de préciser ce nombre. Cet agenda, rapporté lors de la consultation suivante, permet de confirmer ou d’infirmer le diagnostic de CCQ.
  • On écarte ensuite les CCQ « de courte durée » qui comportent principalement l’algie vasculaire de la face, l’hémicrânie paroxystique et les névralgies essentielles de la face.

B) Elimination d’une CCQ secondaire

  • Les éléments cliniques devant faire suspecter secondaire sont résumés dans l’Encadré 5.1
  • La suspicion de CCQ secondaire doit amener à la réalisation d’examens complémentaires comprenant une imagerie cérébrale (idéalement imagerie par résonance magnétique [IRM] encéphalique, ou par défaut scanner cérébral avec injection) et selon l’âge et les données de l’examen clinique, un bilan biologique comprenant un bilan inflammatoire sanguin et/ou une analyse du liquide céphalo-rachidien après une ponction lombaire.

C) Détermination de la nature de la céphalée sous-jacente

  • Les CCQ primaires compliquent dans la majorité des cas une céphalée primaire épisodique.
  • L’interrogatoire doit déterminer la nature de la céphalée primaire sous-jacente qui correspond le plus souvent à une migraine ou une céphalée de tension (ou à l’intrication de ces deux céphalées). Cette étape repose sur l’anamnèse, le diagnostic s’appuyant sur les critères de l’ICHD-III bêta de la migraine et de la céphalée de tension.1
  • On écarte deux variétés exceptionnelles de CCQ « de longue durée », l’hemicrania continua et la CCQ de novo (où le patient peut donner avec précision le jour et l’heure de début de sa céphalée chronique).

  • Cette étape peut être difficile et ce n’est parfois que l’évolution qui permet d’identifier la nature de la céphalée initiale.

+ Migraine chronique

  • La migraine chronique est une entité d’individualisation récente.
  • La version bêta de troisième édition de la classification internationale des céphalées à individualisé la migraine chronique en tant que forme clinique de la migraine et non comme une complication de la migraine épisodique. Elle a également modifié les critères de la migraine chronique afin d’introduire le fait que la migraine chronique peut également s’exprimer par des auras. 
  • Ainsi, cette version propose que la CCQ survienne chez un migraineux dont la maladie était antérieurement épisodique avec une expression sans et/ou avec aura (critère B).
  • De même, dans cette version, la sémiologie migraineuse de la CCQ peut-être celle de la migraine sans aura et/ou celle de la migraine avec aura (critère C).
  • Par ailleurs, cette version a supprimé l’abus médicamenteux du critère D (ce critère indiquant simplement qu’une autre cause de CCQ a été écartée), le comité en charge de cette nouvelle version de la classification proposant qu’un patient migraineux souffrant de CCQ associée à un abus médicamenteux soit diagnostiqué avec les deux diagnostics : migraine chronique et céphalées par abus médicamenteux. Cette version de la classification confirme donc la nécessité d’envisager un sevrage en première intention devant cette situation clinique.

D) Recherche d’un abus médicamenteux et de son origine

  • La céphalée par abus médicamenteux est une CCQ qui affecte des sujets souffrant préalablement d’une céphalée primaire d’expression épisodique chez qui l’usage excessif du traitement de crise induit la transformation de l’expression épisodique vers une expression chronique et entretient ensuite la CCQ.
  • La céphalée primaire sous-jacente est dans la grande majorité des cas une migraine, plus rarement une migraine associée à une céphalée de tension ou une céphalée de tension isolée. Il est important de rappeler que les patients douloureux chroniques et qui consomment quotidiennement des antalgiques ne développent pas de céphalées par abus médicamenteux s’ils ne souffrent pas d’une céphalée primaire alors que cela peut-être le cas s’ils sont préalablement céphalalgiques (grade C).1 1 1

Céphalée par abus médicamenteux selon l’IHCD-III bêta :1

  • A. Céphalée présente au moins 15 jours par mois chez un patient ayant une céphalée pré-existante.
  • B. Abus* régulier depuis plus de 3 mois d’un ou de plusieurs médicaments pouvant être utilisé(s) comme traitement des céphalées.
  • C. Non attribuable à une autre cause.

*La définition de l’abus médicamenteux repose sur le nombre mensuel de jours avec une prise d’antalgiques ou d’anti-migraineux de crise, quelle que soit sa quantité journalière, évalué sur une période de 3 mois consécutifs. En fonction des classes médicamenteuses, différents seuils sont considérs : : au moins 15 jours par mois pour une prise d’antalgiques non opioïdes (paracétamol, aspirine, anti-inflammatoires non- stéroïdiens) et au moins 10 jours par mois pour une prise d’opioïdes, d’ergotés, de triptans, d’antalgiques associant plusieurs principes actifs et/ou en cas d’utilisation combinée de plusieurs médicaments par le patient.

  • La présence d’une céphalée par abus médicamenteux ne peut être évoquée que si la surconsommation médicamenteuse est régulière (AP).

  • Comme pour le nombre de jours avec céphalée, l’utilisation d’un agenda sur lequel le patient note ses prises médicamenteuses est nécessaire pour confirmer l’abus médicamenteux.
  • Le motif de la prise médicamenteuse doit être pris en compte. Une surconsommation médicamenteuse peut être secondaire à des épisodes céphalalgiques fréquents, ou à l’intrication de céphalée avec d’autres phénomènes douloureux (par exemple une pathologie musculo-squelettique).
  • Il est également important de rechercher si l’abus médicamenteux est supporté par une prise anticipatoire des médicaments liée à l’anxiété, voire à des phénomènes de dépendance.
  • En dépit de sa survenue chez des sujets souffrant de céphalée primaire, la céphalée par abus médicamenteux est par définition une céphalée secondaire. Comme toute céphalée secondaire, son traitement est la suppression de sa cause faisant qu’elle doit conduire à un sevrage médicamenteux qui seul permet la confirmation du diagnostic par le retour à une expression céphalalgique épisodique (AP).
  • En pratique quotidienne, face à un patient souffrant de CCQ associée à un abus médicamenteux, la réalisation du sevrage est nécessaire (AP).

 

L’interaction entre la nature des classes pharmacologiques impliquées dans l’abus et les facteurs de risque psychopathologiques a conduit Saper et Lake à proposer deux types de céphalée par abus médicamenteux : 1

  • Le type I correspondrait à des sujets ne présentant pas de troubles comportementaux, ayant une faible comorbidité anxio-dépressive et utilisant des médicaments non psychoactifs
  • Le type II correspondrait à des sujets présentant une dépendance associée à une importante comorbidité anxio-dépressive et/ ou utilisant des médicaments psychoactifs.

E) Recherche des autres facteurs de risque de CCQ

  • L’interrogatoire doit rechercher indépendamment de l’abus médicamenteux, les facteurs de risque de CCQ qui ont été identifiés lors des études épidémiologiques :
    • anxiété généralisée, épisode dépressif avéré, événements biographiques stressants,
    • douleurs musculo-squelettiques,
    • troubles ventilatoires du sommeil
    • et excès pondéral.1
  • Bien qu’il ne soit pas démontré que la prise en charge de ces facteurs de risque modifie l’évolution des CCQ, la prise en charge de ces facteurs doit être réalisée.

F) Synthèse diagnostique d’une CCQ chez un migraineux

La migraine étant la céphalée primaire sous-jacente le plus souvent associée à une CCQ, la suite de cette démarche ne concernera que la synthèse diagnostique d’une CCQ chez un migraineux. Deux situations peuvent se rencontrer :

  • De manière rare, le patient n’a pas d’abus meédicamenteux quand il se présente à la consultation : il s’agit d’un patient présentant une migraine chronique sous réserve que les critères diagnostiques de l’ICHD-III bêta soient présents.
  • Dans le cas le plus courant, il s’agit d’un patient migraineux en CCQ se présentant avec un abus médicamenteux. En dépit de l’absence de données factuelles démontrant sa pertinence, il existe un consensus faisant de la réalisation du sevrage en antalgiques et/ou en antimigraineux spécifiques un préalable incontournable à la prise en charge d’un patient migraineux en CCQ se présentant avec un abus médicamenteux. Ce sevrage permettra de déterminer le diagnostic final, à savoir : migraine chronique en cas de persistance de la CCQ deux mois après le sevrage ou céphalée par abus médicamenteux si la CCQ a disparu deux mois après le sevrage. Le sevrage est également utile car il permet de retrouver une meilleure efficacité du traitement de crise et du traitement prophylactique (grade C).1

DIAGNOSTICS DIFFÉRENTIELS

Votre texte ici

ÉTIOLOGIE

Votre texte ici

COMPLICATIONS

Votre texte ici

PRISE EN CHARGE THÉRAPEUTIQUE

A) Céphalée par abus médicamenteux 

En cas d’abus médicamenteux, les traitements de fond classiques sont généralement inefficaces. Il faut expliquer au patient que « plus il prend des traitements de crise et plus il aura mal ». La seule solution est le sevrage total en traitement de crise, soit en ambulatoire, soit en hospitalisation.

1) Sevrage médicamenteux

  • Les données factuelles sont insuffisantes pour recommander un protocole de sevrage particulier (AP). Aucune étude n’a comparé un sevrage brutal à un sevrage progressif.
  • Aucune différence n’a été mise en évidence entre un sevrage réalisé avec une approche non pharmacologique et un sevrage réalisé avec une approche pharmacologique 1 mais des données non contrôlées plaident pour une supériorité de l’association de ces deux approches 1 (grade C).
  • La comparaison du sevrage réalisé en ambulatoire et de celui réalisé en milieu hospitalier a montré une efficacité similaire 1 1 (grade B).
  • Aucune étude n’a évalué spécifiquement un traitement prophylactique lors du sevrage médicamenteux.1
  • Enfin, concernant le traitement de la céphalée de rebond, l’évaluation de l’efficacité de la prednisolone a donné des résultats tantôt négatifs 1 (grade B) tantôt positifs 1 1 (grade B) et aucun autre traitement n’a été évalué dans des conditions contrôlées.1 C’est notamment le cas de traitements par voie parentérale qui ont été proposés en association au sevrage, en particulier aux Etats-Unis, et qui concernent la dihydroergotamine 1 1 et le valproate de sodium.1
  • En pratique le sevrage est le plus souvent réalisée en ambulatoire, sachant que dans certaines situations il peut être realise lors d’une hospitalisation en première intention (AP).

2) Sevrage médicamenteux en ambulatoire

  • Actuellement, une majorité de patients souffrant de CCQ associée à un abus médicamenteux bénéficie d’un sevrage médicamenteux en ambulatoire.
  • Le sevrage ambulatoire peut être brutal ou progressif (AP), ses modalités devant être adaptées individuellement en fonction du patient, de son mode de vie et du (ou des) médicament(s) utilisé(s) en excès (AP).
  • Le sevrage ambulatoire doit être associé à un traitement prophylactique antimigraineux (AP) : 
    • Les précédentes recommandations françaises positionnaient l’amitriptyline comme le traitement de référence dans cette situation (HAS 2004). Cette recommandation reposait sur un consensus professionnel considérant l’absence de données factuelles.
    • Depuis, des données contrôlées ont montré une efficacité prophylactique dans cette situation pour le topiramate 1 1 (grade B) et, considérant ces données, le topiramate devrait être le traitement pharmacologique à proposer en première intention. Néanmoins, la robustesse de ces données peut être discutée car elles ont été obtenues dans des études qui avaient inclus des patients souffrant de migraine chronique associée ou non à un abus médicamenteux et il existe un consensus faisant que tout traitement de fond antimigraineux validé dans la migraine épisodique peut être proposé (AP).
    • Comme dans le traitement de la migraine épisodique, le choix du traitement prophylactique repose sur les comorbidités, les traitements antérieurement utilisés et les effets indésirables potentiels.1

3) Sevrage médicamenteux hospitalier

  • Le sevrage médicamenteux hospitalier est une modalité plus rare.
  • Ses indications sont : l’impossibilité pour le patient à effectuer le sevrage en ambulatoire, l’ancienneté de l’abus, l’abus impliquant plusieurs classes pharmacologiques, une dépendance comportementale et/ou une comorbidité psychiatrique et la iatrogénie de l’abus (AP).
  • Le sevrage médicamenteux hospitalier est brutal dès le premier jour de l’hospitalisation (AP).
  • Du fait de sa brutalité, le sevrage hospitalier s’accompagne d’une céphalée de rebond qui peut durer entre 2 et 10 jours dont les caractéristiques (délai d’apparition, sévérité et durée) dépendent de la nature du (ou des) médicament(s) impliqués dans l’abus (précoce et peu sévère pour les triptans, tardif et plus sévère pour les opioïdes) 1 (grade C).
  • Cette céphalée de rebond peut s’associer à une symptomatologie digestive (nausées et/ou vomissements) et une hyperesthésie sensorielle importantes témoignant de sa nature migraineuse. Elle peut aussi s’associer à une exacerbation de l’anxiété avec irritabilité.
  • Aucune donnée factuelle n’est disponible quant à la manière de prendre en charge cette céphalée de rebond et, dans la pratique, les attitudes diffèrent d’une équipe à l’autre sachant que le principe général est dans la mesure du possible de ne pas proposer de traitement pharmacologique 1 afin de respecter le principe du sevrage médicamenteux.
  • Les précédentes recommandations françaises proposaient l’amitriptyline par voie parentale comme traitement devant être associé au sevrage hospitalier. Bien que son niveau de preuve soit faible, cette recommandation reste majoritairement appliquée en France, sachant que ses modalités de mise en place (posologie et durée) sont adaptées individuellement (AP).

4) Accompagnement non pharmacologique du sevrage médicamenteux

Qu’il soit réalisé en ambulatoire ou en milieu hospitalier, le sevrage médicamenteux doit être accompagné d’une démarche éducative qui a trois objectifs principaux (AP) :

  • Elle doit permettre au patient de comprendre la relation entre la prise excessive de médicament de crise et l’entretien de la CCQ.
  • Elle doit permettre au patient de contrôler une éventuelle prise anticipatoire de ces médicaments.
  • Enfin, si le patient présente des céphalées de tension entre ses crises migraineuses, elle doit lui permettre de mieux distinguer la nature de la céphalée lorsqu’elle débute afin de ne traiter que les crises migraineuses.

En référence aux recommandations de la prise en charge de la migraine épisodique, la relaxation-gestion du stress, le rétro-contrôle biologique et la thérapie cognitivo-comportementale ont leur place dans le cadre d’une prise en charge psycho-comportementale (AP). Dans le cas particulier d’une authentique dépendance, notamment aux opioïdes, un avis voire une prise en charge addictologique peut être nécessaire (AP).

5) Synthèse à l’issue du sevrage

La réalisation d’un sevrage médicamenteux montre que :

  • la moitié des patients migraineux souffrant d’une CCQ associée à un abus médicamenteux voit l’expression de la céphalée redevenir épisodique deux mois après un sevrage effectif faisant considérer l’abus médicamenteux comme la cause de la CCQ.
  • l’autre moitié voit la CCQ persister faisant envisager cet abus comme une conséquence 1 (grade C).

Quelles que soient ses modalités de réalisation, le sevrage médicamenteux, quand il est effectif, permet ainsi de confirmer le diagnostic a posteriori :

  • Si la CCQ a disparu deux mois après un tel sevrage et que la migraine est revenue à une expression épisodique (< 15 jours avec céphalée/mois) le diagnostic de céphalée par abus médicamenteux est confirmé (AP) ;

  • A contrario, si la CCQ persiste deux mois après la réalisation d’un sevrage bien conduit, le diagnostic de migraine chronique est posé (AP).

Outre sa valeur diagnostique, le sevrage permet de retrouver une meilleure efficacité du traitement de crise et du traitement prophylactique (grade C).1

6) Rechutes

  • Dans le cas d’un sevrage médicamenteux efficace avec le retour à une expression épisodique de la migraine, confirmant donc la céphalée par abus médicamenteux, l’étape ultérieure est le suivi du patient en vue de prévenir la rechute qui est une réapparition de la CCQ avec abus médicamenteux.
  • Le taux de rechute varie de 0 à 49 % selon les études et ne dépend pas des modalités de sevrage.1
  • Les facteurs de bon pronostic sont un abus initial en AINS et/ou triptans 1 et l’absence de comorbidité anxieuse et/ou dépressive 1 correspondant au type I défini par Saper et Lake (AP). 
  • Les rechutes surviennent majoritairement dans la première année faisant suite au sevrage [38] (grade C) imposant un suivi régulier pendant cette période (AP). ​​​​​​​

B) Migraine chronique 

  • L’approche thérapeutique de la migraine chronique repose sur un traitement prophylactique et il existe un consensus d’experts suggérant que les traitements prophylactiques de la migraine épisodique peuvent être utilisés pour traiter la migraine chronique.1 Néanmoins, il n’existe aucune donnée factuelle démontrant leur efficacité. De plus, depuis une dizaine années, des développements cliniques ont été réalisés spécifiquement dans l’indication du traitement prophylactique de la migraine chronique, s’appuyant plus ou moins sur les recommandations méthodologiques spécifiques proposées par l’International Headache Society.1
  • Les développements cliniques ayant conduit à des études contrôlées dédiées spécifiquement à la migraine chronique concernent : le topiramate, la toxine botulinique de type A 1 et la stimulation du nerf grand occipital. La prégabaline, la zonisamide et la memantine ont été rapportées comme possiblement efficaces mais dans des études ouvertes.1 1 1 1

1) Traitement prophylactique pharmacologique en première intention : 

  • Possible avec tout traitement de fond, en privilégiant le topiramate.
  • Efficacité du topiramate significativement supérieure au placebo (grade A),1 1 cette efficacité étant similaire que les sujets présentent ou pas un abus médicamenteux associé 1 (grade B).
  • Cependant, le topiramate présente des effets secondaires non négligeables, en particulier au niveau central, pouvant limiter l’utilisation de cette molécule. 

  • Enfin, l’association du propranolol au topiramate ne s’est pas révélée significativement plus efficace que le topiramate seul 1 (grade A) sachant qu’il existe un consensus pour envisager un avenir possible à d’autres prophylaxies pharmacologiques combinées dans la migraine chronique 1 (AP).

2) Toxine botulinique de type A (mais refus AMM et RTU)

  • Une analyse a posteriori de certaines des données ainsi colligées rapportait que les sujets souffrant de migraine épisodique à haute fréquence pouvaient bénéficier de ce traitement.1
  • Ces données ont suggéré une efficacité potentielle de la toxine botulinique de type A dans la migraine chronique et a conduit à un développement clinique spécifique (PREEMPT) dans cette indication. 1 1
  • En dépit de difficultés méthodologiques liées à des critères d’évaluation principaux non similaires, la comparaison indirecte de l’effet thérapeutique de la toxine botulinique de type A et du topiramate, n’a pas mis en évidence de différence significative (réduction du nombre de jours mensuels avec probable migraine ou avec migraine de 8,8 pour la toxine botulinique de type A et 6,4 pour le topiramate) 1 (grade C).
  • Cette comparaison indirecte a montré une incidence moindre d’effets indésirables avec la toxine botulinique de type A (29,4 % versus 12,7 % placebo) qu’avec le topiramate (65,0 % versus 42,9 % placebo) 1 (grade C).

3) Stimulation du nerf grand occipital (mais perte récente marquage CE et pas de code CCAM propre ni de GHS spécifique)

  • A ce jour, les observations de 500 patients souffrant de migraine chronique et ayant été traités par stimulation du nerf grand occipital ont été rapportées dans la littérature avec une amélioration pour 56 % d’entre eux.1 Trois cent quarante-huit d’entre eux ont été traités dans le cadre de trois études contrôlées.1 1 1 
  • En termes de tolérance, la stimulation du nerf grand occipital reste invasive notamment du fait de la nécessité d’une anesthésie générale pour réaliser l’implantation de l’électrode et du stimulateur. Elle expose également au risque de migration de l’électrode (6,8 à 24 % dans les études contrôlées).
  • Enfin, à ce jour, l’efficacité et la sécurité d’emploi de la stimulation du nerf grand occipital n’ont pas été évaluées au-delà de 3 mois.

4) Stratégie thérapeutique

  • Un consensus d’experts suggère que les traitements prophylactiques pharmacologiques et non pharmacologiques validés dans la migraine épisodique peuvent être utilisés dans la migraine chronique.1 Néanmoins, considérant les données factuelles, le traitement prophylactique de première intention de la migraine chronique devrait être le topiramate (AP) qui dispose en France d’une AMM dans la prophylaxie de la migraine sans considération de sa forme clinique.
  • En l’absence d’efficacité , d’intolérance ou de contre-indication de ces traitements, il est recommandé de réaliser une évaluation au sein d’une équipe spécialisée (AP). Ce n’est qu’à l’issue de cette évaluation, que peut ê tre éventuellement discutée l’indication d’un traitement par toxine botulinique de type A et/ou par stimulation du nerf grand occipital (AP). 

5) Sans oublier 

  • prise en charge d’éventuels facteurs psychologiques (et musculaires)
  • prise en charge de l’abus médicamenteux même si il est secondaire.1

ÉVOLUTION/PRONOSTIC

A) Retentissement individuel des CCQ

1) Retentissement fonctionnel

  • Les CCQ représentent une pathologie handicapante avec un retentissement important sur la vie quotidienne.
  • Le retentissement fonctionnel décrit par les patients souffrant de CCQ est plus important que celui des sujets souffrant d’une céphalée épisodique.1
  • Ce retentissement est encore plus marqué si un abus médicamenteux 1 existe et si la CCQ a des caractéristiques sémiologiques migraineuses.
  • Le retentissement fonctionnel de la CCQ peut être appréhendé au moyen de questions simples (portant sur le handicap induit dans les activités des sphères familiale, sociale et professionnelle) et de l’agenda des céphalées tenu par le patient.
  • Ce retentissement fonctionnel peut être quantifié au moyen d’échelles de handicap dont les plus utilisées, parmi celles dont on dispose d’une traduction française validée, sont les échelles HIT-6 et MIDAS dont l’usage est déjà recommandé pour l’évaluation de la migraine épisodique.1

2) Retentissement émotionnel

  • Le retentissement fonctionnel des CCQ est très fréquemment associé à un retentissement émotionnel qui est également plus important chez les patients souffrant d’une CCQ que chez les patients souffrant d’une céphalée épisodique, particulièrement chez ceux dont la CCQ s’associe à un abus médicamenteux et/ou s’exprime avec une sémiologie migraineuse.
  • Les dimensions de ce retentissement émotionnel peuvent être anxieuse et/ou dépressive. Il doit être appréhendé par des questions simples et être idéalement quantifié au moyen d’échelles. L’échelle de retentissement émotionnel la plus adaptée à la pratique courante est l’échelle HAD qui est validée en langue française et qui est déjà recommandée pour l’évaluation de la douleur chronique en ambulatoire et celle de la migraine épisodique.1 La conséquence du retentissement fonctionnel et/ou émotionnel est une réduction de la qualité de vie. Cette altération de la qualité de vie doit être appréhendée globalement lors de la consultation mais elle est rarement quantifiée en pratique, l’utilisation d’échelles telle l’échelle SF-36 étant réservée à la recherche clinique.

B) Retentissement sociétal des CCQ. 

  • L’impact économique des CCQ est important en raison de coûts directs induits par la consommation des ressources de soins (consultations, hospitalisations, examens para-cliniques et consommation médicamenteuse) et de coûts indirects secondaires à la baisse de productivité professionnelle.
  • En France, les coûts directs induits par les CCQ ont été estimés à 1900 millions d’euros.1 Peu de données précises sont disponibles quant aux coûts indirects générés par les CCQ mais la perte de productivité induite par les CCQ est significativement supérieure à celle des céphalées épisodiques, notamment en cas de migraine chronique et/ou d’abus médicamenteux.1
  • Une étude récente visant à évaluer l’impact économique de la migraine chronique dans cinq pays européens dont la France a montré que les coûts directs annuels pour un migraineux chronique sont 2 à 4 fois supérieurs à ceux induits par un migraineux épisodique.1

PRÉVENTION

A) Prévention de la céphalée par abus médicamenteux

La prévention de la céphalée par abus médicamenteux chez les migraineux repose sur la prise en charge de la migraine épisodique selon les recommandations de bonnes pratiques  (AP).

Il est tout particulièrement important d’insister sur :

  • la tenue d’un agenda ;
  • la nécessité pour le patient de connaître la notion de pré-abus définie par la prise d’un traitement de crise au moins deux jours par semaine depuis plus de trois mois 
  • l’importance de la recherche d’une comorbidité anxieuse pouvant conduire à des prises médicamenteuses anticipatoires 
  • l’importance d’apprendre au patient à distinguer d’éventuelles céphalées tensives s’intercalant entre ses crises migraineuses afin de ne pas traiter systématiquement tout épisode céphalalgique dès son début.

Il est par ailleurs important de sensibiliser le migraineux au risque de consommation de substances psychoactives (tabac, café, thé, coca-cola), ainsi qu’au risque de prise d’antalgiques pour un problème douloureux chronique, en particulier musculo-squelettique, autre que la migraine ; cette prise d’antalgiques pouvant être le facteur inducteur de la céphalée par abus médicamenteux (AP).

Enfin, les troubles du sommeil devront être dépistés afin de prévenir une automédication par des benzodiazépines et/ou hypnotiques (AP).

A l’instar des programmes d’éducation thérapeutique proposés pour prévenir la rechute de la céphalée par abus médicamenteux, des équipes ont également développé des programmes d’éducation thérapeutique qui peuvent être proposés aux patients souffrant de migraine épisodique afin de prévenir le développement d’une céphaée par abus médicamenteux (AP).

SURVEILLANCE

Votre texte ici

CAS PARTICULIERS

A) Particularité des CCQ chez les enfants et adolescents

La définition des CCQ chez l’enfant et l’adolescent, de même que l’épidémiologie 1, sont les mêmes que chez l’adulte (AP). L’épidémiologie, la démarche diagnostique est egalement similaire à celle proposée à l’adulte, mais il est important d’insister sur les particularités observées chez l’enfant et l’adolescent :

  • La durée de la phase de transformation de la céphalée primaire épisodique en CCQ qui est plus courte que chez l’adulte (entre 17 et 23 mois) voire être absente. Dans ce dernier cas, le diagnostic différentiel avec les céphalées chroniques secondaires ou la céphalée chronique quotidienne de novo peut être difficile.1
  • L’importance des événements biographiques stressants et sévères (abus sexuels dans l’enfance, conflits familiaux, problèmes de santé ou décès d’un des parents, difficultés dans la scolarité.
  • L’abus médicamenteux qui porte le plus souvent sur des antalgiques non spécifiques : paracétamol et AINS de façon préférentielle ; sachant qu’il existe souvent un abus en caféine couplé sous la forme d’une consommation excessive de soda.
  • L’importance lors de la prise en charge prophylactique des traitements non médicamenteux couplés à l’approche pharmacologique ; cette prise en charge s’adressant à la fois à l’enfant, aux parents, mais également à l’institution scolaire (AP).

THÉRAPIES FUTURES

Votre texte ici

RÉFÉRENCES