Tabac

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Mise à jour 22/02/2022

INTRODUCTION/GÉNÉRALITÉ

  • Le tabac est responsable de la plus grande épidémie industrielle que n'a jamais connue l'humanité. L'amplitude de l'épidémie du tabagisme dépasse celle de toutes les autres épidémies qui ont décimé et déciment encore notre planète. Le bilan du xxe siècle de 100 millions de morts prématurés va être multiplié par dix au xxie siècle où l'on attend un milliard de décès prématurés si l'on ne fait rien, mais «moins de» 800 millions si on réagit. Cette épidémie a une cause claire : l'industrie du tabac. Cette industrie a sophistiqué ses vecteurs de l'épidémie, passant des feuilles de tabac roulées en bâton et de la pipe à la cigarette, mais, comme les virus, les bactéries et les moustiques, elle sait contourner les moyens de défense mis en place par la médecine adaptant de nouveaux vecteurs de l'épidémie pour réagir aux attaques faites contre la cigarette. Les cigarettes parfumées au goût sucré, la chicha, le snus et les autres tabacs oraux sont les plus récentes mutations effectuées par l'industrie sur le vecteur tabac. Ce vecteur de l'épidémie tabagique est modulé, mais de façon marginale, par des facteurs génétiques de susceptibilité et par des facteurs psycho-comportementaux.
  • La connaissance des chiffres du tabac et de la dépendance tabagique, de son épidémiologie, de sa cause principale et de ses causes accessoires est utile pour mieux comprendre le phénomène et pour communiquer sur le tabac auprès des décideurs et des consommateurs. La lutte contre le tabac est une lutte individuelle du fumeur contre son addiction qu'il conduit avec les soignants, mais c'est aussi une lutte contre la cause de l'épidémie, l'industrie du tabac, qui a imposé à la société une norme sociale «fumeur» jusqu'à ces dernières années en France et qui continue à le faire dans de nombreux pays. Ces phénomènes sont d'autant plus importants à connaître qu'ils existent aussi pour les autres substances addictives qui, toutes, font l'objet d'une organisation d'un marché légal ou illégal de la substance.

HISTORIQUE

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PHYSIOPATHOLOGIE

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ÉPIDÉMIOLOGIE

A) Production du tabac

  • La France n'est plus un grand pays producteur de tabac. Les surfaces cultivées sont en décroissance constante, ne couvrant plus que 7300 hectares pour une production de 19 000 tonnes par an, à raison de 98 % de variétés blondes et 2 % de tabac brun. Cette culture était jusqu'en 2010 fortement subventionnée. Les agriculteurs touchaient 2 fois plus de revenus des subventions européennes sur le tabac que de la vente de leur production, mais ces subventions sont éteintes. La production de tabac dans le monde reste très élevée. La production, qui était de 6 138 millions de tonnes en 2000, devrait atteindre 7 160 millions de tonnes en 2010.1 Les pays émergents sont les plus gros producteurs. La Chine produit ainsi 2,5 millions de tonnes par an, l'Inde 0,6 million de tonnes, le Brésil 0,5 million de tonnes (à noter que les États-Unis produisent aussi 0,5 million de tonnes). L'Union européenne des 27 n'atteint pas ces chiffres.

B) Commercialisation du tabac

  • Depuis, l'État français est totalement désengagé de l'industrie du tabac et de la société Altadis, née de la fusion en juin 1999 de la Seita et de Tabacalera, mainte- nant rachetée par un cigarettier britannique. Les grandes marques traditionnelles françaises sont largement dominées par Marlboro. Selon l'Observatoire français des drogues et toxicomanies (OFDT) 1, Philip Morris-Altria® (Marlboro® et Philip Morris®) était en 2006 leader sur le marché des cigarettes en France avec 42,7 % des parts de marché. Altadis® (Fortuna®, Gauloises®, Gitanes®) a 25,2 % du marché, British American Tobacco® (Lucky Strike®, Benson & Hedge®, etc.) 15,3 %, et Japan Tobacco International® (Camel, Winston) 10,1 %.
  • Le volume de tabac vendu en France a été en forte décroissance de 1991 à 1997 et s'est stabilisé de 1997 à 2002. Il a connu à nouveau une forte baisse en 2003– 2004 avec le lancement du premier Plan cancer et l'augmentation de 42 % des prix du tabac, puis s'est stabilisé depuis 6 ans avec le blocage des prix du tabac. L'interdiction de fumer sur le lieu de travail (2007) puis dans les cafés, hôtels, restaurants, discothèques (2008) n'a pas modifié les ventes de tabac en France. Dans le monde, la consommation de tabac a dépassé 7 millions de tonnes en 2006. Le chiffre est un peu supérieur à la production, car le poids de tabac vendu inclut les additifs ajoutés au tabac avant de le vendre (de l'ordre de 8 %). Cette consommation mondiale de tabac, qui était de 6,769 millions de tonnes en 2000, atteindra 7,152 millions de tonnes en 2010.1 La Chine est le premier pays consommateur de tabac dans le monde (2,6 millions de tonnes). L'Europe est le deuxième consommateur avec 1 million de tonnes, devant les États-Unis (0,7 million de tonnes) ; viennent ensuite l'Inde et l'ex-URSS, avec 0,4 million de tonnes chacun.

C) Produits du tabac

  • La cigarette industrielle qui avait massivement dominé le marché du tabac est en baisse relative dans de nombreux pays avec la croissance des tabacs à rouler, des autres tabacs à fumer, des mélanges de tabac et d'autres plantes (bidis, ketek, etc.) et des tabacs à mâcher. Ainsi, en Inde, les cigarettes industrielles ne représentent que le quart du marché du tabac.
  • Les compagnies de tabac s'intéressent à tous les modes de consommation traditionnelle du tabac, recréant même parfois des traditions très locales de consommation, ce qui explique que ce marché soit en expansion.
  • En France, le marché du tabac est maintenant dominé par les cigarettes blondes. Les cigarettes brunes qui représentaient 70 % des cigarettes en 1980 ne représentent plus que 10 % du marché des cigarettes.
  • Le tabac à rouler, qui représentait moins de 6 % du poids de tabac vendu en France en 1991 au moment de la loi Évin, représente maintenant 14 % du tabac vendu en France. Cette augmentation est survenue par à-coups à chaque fois que le prix des cigarettes était plus brutalement augmenté que le prix du tabac en vrac (scaferlati).
  • Alors que le nombre de cigarettes industrielles vendues par an a baissé de 43 % de 1991 à 2007, le nombre de cigares vendus en France a augmenté de 23 % sur la même période de 15 ans.
  • Le tabac à pipe est marginal de même que les cigarettes parfumées, le tabac pour narguilé, le tabac à priser, à chiquer ou à mâcher. Ces produits sont disponibles et certains groupes de jeunes les apprécient avec le risque que leur consommation explose du fait d'un effet de mode chez les plus jeunes, comme c'est le cas depuis 5 ans pour le tabac à chicha.
Évolution des ventes de tabac en France entre la loi Évin de 1991 et le décret Bertrand de fin 2007
(en tonnes, en considérant qu'une cigarette moyenne pèse 0,8 g et qu'un cigare ou cigarillo moyen pèse 2 g).

D) Conséquences de la politique des prix

  • Le prix de vente du tabac est inversement corrélé avec les volumes vendus dans les études conduites dans tous les pays qui ont une politique des prix du tabac. La France ne déroge pas à la règle.
  • L'augmentation des prix est considérée par les organisations internationales comme la mesure la plus efficace et la moins coûteuse pour lutter contre le tabagisme. Une augmentation des prix de 10 % fait baisser de 4 % la consommation totale dans les pays développés et de 6 % pour les jeunes selon le rapport de la Banque mondiale.
  • La France a mis en place une politique d'augmentation des prix des cigarettes manufacturées sans précédent. Ces prix ont subi des augmentations successives : 8,33 % en janvier 2003, 18 % en octobre 2003 et 8,5 % en janvier 2004. Ces hausses ont engendré une chute de 33 % des ventes de cigarettes manufacturées entre 2002 et 2004.
  • Les jeunes sont les plus sensibles à l'augmentation des prix en raison d'un revenu limité mais aussi à cause d'une addiction encore faible qui ne leur impose pas de continuer à fumer, comme c'est le cas chez les fumeurs devenus dépendants.
Évolution des ventes du tabac en France exprimées en cigarette par adulte et par jour, en fonction du prix ajusté de vente du tabac, d'après.1

E) Les fumeurs en France

  • Le taux de fumeurs quotidiens ou occasionnels est en France de 35,5 % chez les hommes et de 27,9 % chez les femmes selon l'Institut national de prévention et d'éducation pour la santé (INPES).1 Ces données prennent en compte les fumeurs quotidiens, mais aussi ceux qui ne fument «ne serait-ce que de temps en temps». Le taux de fumeurs quotidiens est de 28,7 %.
Taux de fumeurs en France selon les deux baromètres INPES 2000 et 2005, d'après 1.
  • Le tabagisme varie avec l'âge et le sexe. Cette répartition n'est connue que pour le baromètre santé 2000. La consommation est maximale entre 15 et 45 ans.
Répartition du taux de tabagisme («Fumez-vous ne serait-ce que de temps en temps ?»)
chez les hommes et les femmes en fonction de l'âge.
1

1) Tabagisme des adolescents

  • La baisse du tabagisme a été particulièrement nette chez les jeunes avec le premier Plan cancer 2003–2008 comme en témoignent les enquêtes conduites annuellement par Paris sans tabac 1 et l'Académie de Paris.
  • Les données 2000 et 2005 étaient très voisines de celles du baromètre national de l'INPES. La baisse de la consommation de tabac était particulièrement nette chez les moins de 16 ans dont le taux de fumeurs a baissé de 80 %. Chez les plus de 15 ans, les taux les plus bas ont été observés en 2004 lors du lancement du Plan cancer et de l'augmentation massive des prix du tabac.
  • Depuis 2008 et le quasi-abandon de la prévention tabagique chez les jeunes, le tabagisme a remonté de 25 % chez les jeunes collégiens parisiens, démontrant ainsi l'effet massif des décisions politiques sur l'initiation du tabagisme.
Évolution du tabagisme des collégiens (12–15 ans) et des lycéens (18–19 ans) à Paris 1

2) Tabagisme des femmes enceintes

  • Le taux de tabagisme est élevé chez les femmes en âge de procréer. Des données divergentes et parcellaires existent sur la baisse du taux de tabagisme durant la grossesse. La moitié ou les deux tiers des femmes s'arrêtent de fumer quand elles sont enceintes. Malheureusement, la moitié de celles qui se sont arrêtées reprend après l'accouchement.1

3) Tabagisme des opérés

  • Sur les 8 millions d'opérés en France chaque année, il est estimé que 2 millions sont fumeurs [8]. Les données sur l'arrêt du tabac en préopératoire ne sont pas connues.

4) Tabagisme des malades psychiatriques

  • Le tabagisme est très élevé chez les patients atteints de pathologie psychiatrique, dépassant 50 %. Le nombre d'ex-fumeurs est particulièrement bas dans cette population.

F) Les fumeurs en Europe et dans le monde

  • Le taux de tabagisme quotidien dans les pays européens et voisins varie de plus du simple au double. Il dépasse 42 % en Grèce (EL) et n'est que de 16 % en Suède (SE), où cependant une grande partie de la nicotine est consommée sous forme de snus, et de 19 % aux Pays-Bas (NL) où, comme dans toute l'Europe à part la Suède, le snus est interdit.
  • Le taux de fumeurs dans le monde est, selon la Banque mondiale, voisin de 35 % dans les pays développés, 50 % dans certains pays émergents.
  • Chez les femmes, le taux de tabagisme est voisin de 11 % avec d'importantes disparités. Chez les femmes, les trois pays européens présents dans la liste des dix pays où les femmes fument le plus sont les pays issus de l'ancienne Yougoslavie. Globalement, le tabagisme dans l'immense majorité des pays est moindre chez les femmes que chez les hommes.
  • Les dix pays du monde où la consommation de tabac est la plus forte chez les femmes sont essentiellement situés en Océanie. Parmi les gros consommateurs, on trouve les pays européens, la fédération de Russie et l'Albanie.
Taux de tabagisme quotidien dans les pays européens en 2005, d'après l'Eurobaromètre 1.
Image 1 : Les dix pays ayant le plus fort taux d'hommes fumeurs dans le monde.
Image 2 : Les dix pays ayant le plus fort taux de femmes fumeuses dans le monde.

G) Arrêt du tabac en France

  • En France, chez les hommes de plus de 40 ans, le nombre d'anciens fumeurs a dépassé, selon l'INSEE, le nombre de fumeurs et le nombre de ceux qui n'ont jamais fumé. Le taux d'arrêt augmente avec de fortes variations saisonnières et d'autres variations en fonction des campagnes et décisions politiques prises au niveau national pour le contrôle du tabac.

FACTEURS DE RISQUES

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EXAMEN CLINIQUE

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EXAMENS COMPLÉMENTAIRES

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DIAGNOSTICS DIFFÉRENTIELS

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ÉTIOLOGIE

A) Industrie du tabac

  • L'industrie du tabac multiplie les initiatives pour appâter les fumeurs, en particulier les jeunes. Si l'industrie du tabac a donné 500 000 dollars à Sylvester Stallone pour fumer des cigarettes d'une marque dans cinq films, c'est qu'elle a calculé que cela lui permettrait d'augmenter de façon très significative ses ventes et condui- rait à un retour sur investissement. Si les associations essaient de lutter contre le «placement» du tabac contre rémunération dans les films, c'est pour éviter l'exposition sournoise des jeunes aux produits du tabac.
  • En Inde, sont distribuées dans les écoles des pâtes à la nicotine dès le plus jeune âge pour blanchir les dents. La nicotine est absorbée par les gencives. L'absorption est favorisée par l'introduction de poudre de verre qui attaque la muqueuse des gencives et permet cette absorption. Ainsi, les récepteurs à la nicotine vont se développer pour préparer l'installation rapide de la dépendance après les premières cigarettes.

B) Produits du tabac

La consommation des différents produits du tabac a beaucoup évolué avec le temps et varie selon les pays. Ces modes sont le plus souvent induites par l'industrie du tabac. L'objectif principal est d'offrir un produit de goût, de coût et d'image acceptables par les consommateurs du pays et de l'époque désignée afin de déve- lopper les marchés.

1) Cigarettes industrielles

Les cigarettes industrielles ont été modifiées avec le temps. Initialement très irritantes, l'industrie du tabac a su les rendre moins irritantes pour les voies respiratoires hautes, prétendant qu'ainsi elles étaient plus «légères». Les cigarettes «light» ont conduit à tromper toute une génération en laissant croire qu'on pouvait fumer «plus sain», alors que la fumée de ces cigarettes est inhalée plus profondément et qu'elle est tout aussi toxique pour le cœur et le poumon. Cette observation a conduit l'Union européenne à interdire ce qualificatif de «light».

2) Tabac à rouler

Le tabac, quand il est roulé manuellement, brûle moins bien que dans une ciga- rette industrielle. Dans une machine à fumer, il libère 3 fois plus de monoxyde carbone (CO), de goudron et de nicotine qu'une cigarette industrielle. Ce produit, plus toxique, est le moins coûteux, ce qui explique son succès auprès des jeunes. Le tabac roulé est ainsi une porte d'entrée dans le tabagisme chez ceux qui ont peu d'argent à dépenser pour acheter leur tabac.

3) Cigares et cigarillos

Ces produits sont moins taxés que la cigarette et souvent présentés comme moins toxiques. Cela est vrai sur le plan cardiaque si l'on n'a jamais fumé que des cigares, mais c'est faux si l'on est passé des cigarettes aux cigares, car la différence de toxicité est davantage liée à la façon de fumer qu'au produit. En passant des cigarettes aux cigares, on fume les cigares comme des cigarettes et le produit est alors tout aussi toxique. Il n'y a pas – rappelons-le – de produit du tabac qui soit sain.

4) Pipe

Fumer la pipe augmente certains risques comme celui du cancer de la bouche ou de l'œsophage mais en diminue d'autres (comparativement aux cigarettes). Les fumeurs de pipe fument différemment des autres fumeurs.

5) Cigarettes parfumées

En France, au début du siècle, les compagnies de tabac ont commercialisé des cigarettes parfumées à la vanille ou à la fraise avec un papier et un filtre rose fluo ou noir. Ces cigarettes sont clairement créées pour recruter de nouveaux clients. La démarche ressemble à celle des «prémix» (mélange de boisson sucrée et d'alcool fort), boissons qui ont été distribuées pour attirer les jeunes vers leurs premières prises d'alcool, en adoucissant les apparences des premiers contacts avec le produit.

6) Chicha

La chicha, ou narguilé, est présentée comme un produit convivial, mais c'est aussi un produit qui émet plus de fumées toxiques que tout autre mode de consommation du tabac. Particules fines, cancérogènes et monoxyde de carbone sont présents en très grande quantité dans la fumée de chicha, même s'il est vrai que la nicotine libérée par cette fumée ne l'est qu'à une concentration voisine de celle de la cigarette. En 2010, deux tiers des jeunes parisiens en ont déjà fumé avant la sortie du collège.

7) Snus

Ces petits sachets contenant du tabac mis entre la gencive et la joue libèrent progressivement la nicotine dans la bouche. Le snus suédois est dénitrosaminé, mais il est toxique. C'est aussi un produit qui peut être une porte d'entrée de la dépendance nicotinique. Ce produit n'est pas disponible en France.

8) Autres tabacs à mâcher

De nombreuses autres formes de produits à mâcher sont disponibles en France et dans le monde. Ils sont utilisés en particulier par les skieurs qui voient leurs camarades nordiques consommer du snus. Ils sont l'objet de fortes promotions aux États-Unis.

9) Tabac à priser

Le tabac à priser n'est plus utilisé que très marginalement et n'est plus actuellement promu par l'industrie.

C) Facteurs psychologiques

  • La prise de la première cigarette peut avoir lieu sur un coup de tête, en saisissant une occasion. Mais le plus souvent, elle fait l'objet d'une préparation, d'un scénario, construit parfois à plusieurs. Un adolescent un peu plus âgé joue habituellement le rôle d'initiateur.
  • On n'allume pas la première cigarette pour éprouver une sensation agréable, comme avec l'alcool ou le cannabis. En effet, en ce qui concerne l'alcool ou le cannabis, l'opinion générale est que la prise de ces substances peut déclencher de nouvelles sensations ou provoquer du plaisir. De façon générale, la première cigarette est une expérience peu agréable, mais c'est considéré comme une voie d'initiation pour devenir adulte.
  • Si la première cigarette n'est pas un plaisir, les suivantes peuvent en procurer. Ces cigarettes sont allumées par un jeune qui est persuadé qu'il s'arrêtera quand il veut, qu'il contrôle et qu'il ne met pas sa santé en danger. Les émotions positives ou négatives poussent à continuer à fumer des cigarettes. Il existe ainsi un lien statistique fort entre tabagisme et dépression.
  • Les facteurs inconscients qui poussent à fumer sont légion. Sans évoquer le fumeur qui «tète» sa cigarette, voire le symbole phallique de la cigarette, l'utilisation de la cigarette est fréquente comme outil de contenance, pour briser la glace, ouvrir le dialogue, séduire. L'industrie du tabac domine parfaitement tous ces facteurs. Elle sait l'inscrire dans l'inconscient masculin ou féminin en fonction des possibilités de marché. À l'inverse, c'est en transformant l'image de la fumée de cigarette et en la présentant comme une machine à polluer, un engin de mort qui va décimer un milliard de terriens au xxie siècle que les acteurs de la santé publique ont pu se faire entendre. Le fait d'offrir la cigarette devient maintenant beaucoup moins séduisant. La proposition devient ambiguë : offre-t-on l'amitié ou la mort ?

D) Facteurs sociétaux

  • Chez les jeunes et les adultes, les facteurs sociétaux sont nombreux et jouent un rôle important. 
  • Les acteurs de la santé publique essaient de modifier la norme sociale qui a été imposée artificiellement, de «dénormaliser» le tabac chez les jeunes en le rendant moins accessible. La suppression des paquets de dix cigarettes, l'interdiction de vente à l'unité, l'interdiction de la publicité, l'interdiction de la vente aux moins de 16 ans ont fait régresser les marques de tabac dans la liste des marques commer- ciales les plus citées par les jeunes. Cette politique qui peut paraître futile porte pourtant ses fruits.

1) Rôle des pièces où l'on se trouve

  • Les murs parlent, les murs conduisent à allumer la cigarette. Il faut 2 mois sans tabac pour que les murs ne soient plus pour le fumeur une stimulation à fumer. Les murs de pièces fumeurs poussent en effet le fumeur à consommer. Les murs des pièces où le statut tabagique est ambigu ou encore ceux des pièces passées récemment au statut non-fumeurs «parlent» aussi de cette ambiguïté, de cette possibilité de négociation qui pousse particulièrement à allumer la cigarette. À l'inverse, des murs d'une pièce clairement non-fumeurs sont efficaces pour mon- trer que l'on ne peut transgresser la règle.
  • La généralisation de l'interdiction complète de fumer dans les locaux accueillant du public, y compris les services de psychiatrie, au 1er février 2007, et dans les cafés, restaurants, discothèques au 1er janvier 2008 a conduit à faire quasiment disparaître ce stimulus à allumer la cigarette. La moitié des fumeurs ont maintenant transformé leur domicile en domicile non-fumeurs, appliquant ainsi volontairement la mesure qui a permis de libérer de la pollution les locaux à usage collectif.

2) Rôle de la famille

  • En posant la question de savoir qui fume dans la famille et dans l'entourage, chez les 12–13 ans, on découvre que le lien est le plus fort avec le tabagisme des frères et des sœurs, puis de la mère, puis du père.1 Ainsi, avoir des parents qui fument, en particulier une mère, pousse à allumer les premières cigarettes. Les frères et sœurs joueraient le rôle de pairs dans cette initiation.
  • D'avoir vu, touché des cigarettes à la maison, voire d'être allé, jeune enfant, acheter les cigarettes pour ses parents favorise le passage à l'acte que représente le fait d'allumer sa première cigarette.
  • Ce sont parfois les parents qui poussent directement à fumer la première ciga- rette, en offrant à leur jeune adolescent une bouffée de cigarette. Plus souvent, un oncle, lors d'une cérémonie familiale, fait allumer la première cigarette pour initier le passage à l'âge adulte.
  • Les parents peuvent aussi jouer un rôle protecteur en donnant à leur domicile un statut de lieu sans tabac, ce qui est le cas de plus des deux tiers des foyers. Si cela n'est ni possible ni souhaité, ils peuvent établir des règles vis-à-vis du tabac. Ces limitations conduisent à allumer moins de cigarettes et à mieux contrôler sa consommation. Le fait d'avoir un conjoint fumeur est un facteur de risque de fumer, souvent au même rythme que l'autre, que ce soit à la maison ou en entrant dans la voiture. Le changement de statut tabagique d'un des deux membres du couple a beaucoup plus de chance de réussir si l'autre accompagne la démarche, même s'il ne fait pas parallèlement cette démarche d'arrêt. Il est cependant difficile de s'arrêter de fumer quand le compagnon avec qui on fume depuis des années ne renonce pas à le faire.

3) Rôle des amis

  • Les amis, en particulier ceux de la même classe plus âgés, sont les initiateurs les plus fréquents de la première cigarette. Cette première cigarette est le plus sou- vent présentée comme une expérience pour devenir adulte. Elle n'est pas envisa- gée comme la recherche d'un plaisir mais plutôt comme un rite d'initiation lié à la puberté, un rite de passage à l'âge adulte. La société et les entreprises cigarettières ont joué et jouent un rôle majeur dans l'installation de cette norme sociale. Elles dépensent des trésors d'invention pour favoriser la persistance de ces rites. Chacun peut le vérifier en demandant à une personne qui sont ses cinq meilleurs amis puis quel est leur statut tabagique. Il aura la surprise de voir qu'il y a 3 fois plus de fumeurs parmi les amis des fumeurs que parmi les amis des non-fumeurs. On ne sait pas si ces éléments sont la cause ou la conséquence du tabagisme, mais leur existence est indiscutable. Choisit-on des amis fumeurs si on est fumeur, non- fumeurs si on est non-fumeur ou influence-t-on le statut tabagique de ses proches ?

E) Facteurs biologiques : les récepteurs nicotiniques

  • Les récepteurs nicotiniques sont le substratum de la dépendance nicotinique. Leur nombre et leur sensibilité jouent un rôle majeur dans l'instauration et le maintien de la dépendance tabagique. Les récepteurs α4β2 jouent le rôle majeur, mais les récepteurs α7 sont également importants. Le nombre et la sensibilité de ces récep- teurs sont génétiquement déterminés mais dépendent surtout de l'exposition à la nicotine, principalement quand elle est délivrée sous forme de «shoot».

F) Facteurs de dépendance

  • La dépendance tabagique est une maladie bien identifiée qui s'installe assez rapidement si l'on prend une définition large de la dépendance. Moins d'un quart de jeunes adolescents reste à moins de quatre cigarettes par jour au lycée, alors que deux tiers des collégiens fumeurs ne consomment pas tous les jours ou fument moins de quatre cigarettes. La cigarette, dès lors, ne va plus être allumée par plaisir ou par décision consciente, mais du fait de la dépendance.
  • Le fumeur dépendant s'est créé dans le cerveau l'équivalent d'un centre de nicotine. Comme chacun a dans le noyau accumbens et les noyaux mésolimbiques un centre de la faim, un centre de la soif, un centre d'ajustement de la glycémie, il s'est créé chez le fumeur un centre du besoin de la nicotine, avec nécessité d'ajuster le taux de nicotine dans le sang à un certain niveau. Le cerveau a donc été modifié sous l'impulsion d'introduction dans le corps à l'adolescence d'une substance chimique. La dépendance tabagique est ainsi une maladie au même titre que l'est le diabète de type 2 ou l'hypertension artérielle et il est peu com- préhensible que la maladie soit difficilement reconnue par les autorités sanitaires, l'Assurance-maladie et certains professionnels de santé.
  • La première cigarette du matin n'est pas allumée pour d'autres raisons que par dépendance tabagique. Les fumeurs très dépendants en fument même deux ou trois de suite pour faire remonter le taux de nicotine. Dix-sept pour cent des fumeurs disent fumer la nuit, soit qu'ils se réveillent pour cela, leur corps ne pou- vant plus vivre toute une nuit sans nicotine, soit qu'ils se réveillent pour une autre raison. Ce manque physique de nicotine est aussi constaté chez les polytraumati- sés dans le coma ou en salle de réveil.
  • La substitution nicotinique, à condition qu'elle soit donnée à des doses suffisantes (les doses sont élevées chez les fumeurs très dépendants, ayant un nombre considérable de récepteurs à la nicotine), supprime ce manque et ces signes désagréables augmentant le risque de rechute.

G) Facteurs génétiques

Les hommes et femmes ne sont pas tous égaux devant le tabagisme.1 Les preuves de déterminants génétiques de l'initiation, de l'instauration de la dépen- dance, de l'aptitude au sevrage et de la toxicité du tabagisme s'accumulent. Elles restent d'une influence faible par rapport aux facteurs liés au vecteur de l'épidémie. Une méta-analyse de 14 séries de jumeaux homozygotes et dizygotes montre que les facteurs génétiques seraient probablement responsables pour 50 % de l'ini- tiation du tabagisme et pour 75 % de l'instauration de la dépendance tabagique.1

Déterminant du tabagisme sur une étude de 17 500 jumeaux 

Sur 41 études recherchant une association entre polymorphisme génétique et comportement tabagique, 28 ont été incluses dans une méta-analyse 1 1 qui rassemble les données concernant les polymorphismes de trois gènes : le gène DRD2 (codant pour le récepteur de la dopamine), le gène 5HTT LPR (impliqué dans le transport de la sérotonine) et le gène CYP2A6 (gène d'un cytochrome P 450 impliqué dans la transformation de la nicotine en cotinine).

Il apparaît dans cette méta-analyse :

  • une relation entre l'initiation du tabagisme et les polymorphismes du DRD2 Taq1A;
  • une relation entre les chances de succès d'un sevrage tabagique et les poly- morphismes des gènes codant la réduction de l'activité du cytochrome CYP2A6 et ceux du gène 5HTT LPR ;
  • une relation entre la consommation de tabac et les polymorphismes Taq1A de DRD2 et ceux associés à la réduction de l'activité CYP2A6. Il existe un taux de succès et une efficacité très différente en fonction du phénotype du cytochrome CYP2A6. Quand la nicotine est métabolisée rapidement en cotinine, la dépendance à la nicotine est forte ; les signes de sevrage à l'arrêt sont élevés malgré de fortes doses de substitution nicotinique. La substitution a une efficacité moins bonne que chez les métaboliseurs lents de la nicotine en cotinine. Malgré ces nombreuses données, il existe une grande hétérogénéité de ces différentes études. L'implication d'un gène spécifique dans le déterminisme du tabagisme apparaît comme un facteur le plus souvent limité.

H) Facteurs de rechute

  • La dépendance tabagique est une maladie chronique récidivante. La plupart des fumeurs qui arrêtent ne deviennent pas des non-fumeurs mais sont seulement mis en rémission de leur tabagisme actif. Ils restent des années, voire à vie, atteints de la dépendance tabagique. Ils ne sont que des ex-fumeurs. L'évolution de la norme sociale des sociétés favorise ou défavorise la rechute. L'évolution actuelle en Europe devrait aider les fumeurs à ne pas rechuter. Le comportement des proches favorise ou défavorise également le tabagisme. L'alcoolisation, même modérée, est un facteur important de rechute du tabagisme : même faible, elle lève les inhibitions. Le moment de la journée intervient lui aussi dans le risque de rechute. C'est le soir entre 20 heures et minuit que le risque de rechute après un arrêt est le plus grand, alors que c'est le matin que les signes de besoin et de manque sont les plus forts.

COMPLICATIONS

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PRISE EN CHARGE THÉRAPEUTIQUE

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ÉVOLUTION/PRONOSTIC

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PRÉVENTION

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SURVEILLANCE

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CAS PARTICULIERS

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THÉRAPIES FUTURES

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RÉFÉRENCES