Hypothyroïdie acquise de l'adulte
PHYSIOPATHOLOGIE
Il s'agit d'un déficit en hormones thyroïdiennes ou hypothyroïdie. Le déficit en hormones thyroïdiennes peut être secondaire :
- à une atteinte primitive de la glande thyroïde (insuffisance thyroïdienne primitive ou hypothyroïdie primaire, périphérique) ;
- à une atteinte hypothalamo-hypophysaire (insuffisance thyréotrope ou hypothyroïdie secondaire ou centrale).
1) Atteinte primitive de la glande thyroïde :
La TSH est élevée (par levée du rétrocontrôle négatif des hormones thyroïdiennes sur la TSH hypophysaire), ce qui pose le diagnostic :
- si la T4 libre (fT4) est normale, on parle d’hypothyroïdie fruste (ou infraclinique) ; la TSH est alors peu élevée, le plus souvent entre 4 et 10 mUI/ L ;
- si la fT4 est basse, on parle d’hypothyroïdie patente ; la TSH est alors plus élevée, supérieure à 10 mUI/L.
L’hypothyroïdie primaire est la plus fréquente (environ 2 %) ; la prévalence de l’hypothyroïdie est plus importante chez les femmes.
Par la généralisation du dosage de la TSH, le mode actuel de découverte le plus fréquent est le bilan systématique ou le bilan pour asthénie. L’hypothyroïdie est le plus souvent fruste.
2) Atteinte hypothalamo-hypophysaire :
La fT4 est basse et la TSH est :
- soit basse, soit normale, donc inadaptée au taux bas de fT4 (ce qui témoigne de l’origine hypothalamo-hypophysaire) ;
- soit légèrement élevée : dans ce dernier cas, la TSH est biologiquement inactive (d’où l’hypothyroïdie) mais immunoréactive (donc dosable) ; elle reste inférieure à 10-12 mUI/L. Elle contraste alors avec une fT4 franchement basse. Ce dernier tableau hormonal évoque une atteinte hypothalamique.
C’est le couple fT4 et TSH qui pose le diagnostic. Le piège diagnostique est une TSH normale ou une TSH comprise entre 4 et 10 mUI/L, qui fait faussement conclure à une hypothyroïdie primaire fruste.
L’insuffisance thyréotrope est beaucoup plus rare que l’hypothyroïdie primaire, avec une prévalence estimée à 0,005 %. Elle constitue moins de 5 % des hypothyroïdies. Il existe le plus souvent un contexte de pathologie hypophysaire qui permet de poser le diagnostic.1
EXAMEN CLINIQUE
Les signes dépendent de sa profondeur, de son ancienneté et de son origine (périphérique ou centrale).
Syndrome d’hypométabolisme associant à des degrés divers asthénie physique et psycho-intellectuelle, somnolence, hypothermie, frilosité acquise, constipation acquise, bradycardie, prise de poids modeste contrastant parfois avec une perte d’appétit
Atteinte cutanée et phanères : peau pâle ou jaunâtre (carotinodermie) sèche et squameuse, dépilation (axillaire, queue du sourcil), cheveux secs et cassants
Myxoedème cutanéomuqueux : peau infiltrée et épaissie, en particulier au niveau
-
Du visage (faciès lunaire) et des mains (canal carpien)
-
De la sphère ORL : larynx (voix rauque), trompe eustache (hypoacousie), langue..
Atteinte neuromusculaire : Enraidissement, crampes et myalgies tendinites
Retentissement endocrinien : troubles des règles, troubles de la libido, galactorrhée rarement (hyperprolactinémie possible mais en fait très rare en cas d’hypothyroïdie primaire profonde, avec TSH > 50) 1
Retentissement cardiaque : bradycardie sinusale et diminution de la force contractile
Retentissement neuropsychique : dépression, démence ou confusion (personne âgée)
EXAMENS COMPLEMENTAIRES
A) Confirmation biologique de l’hypothyroïdie :
1) En première intention : dosage de la TSH = haute sauf en cas d’insuffisance thyréotrope ou elle est normale ou basse
2) En deuxième intention : dosage T4L = permet d’apprécier la profondeur de l’hypothyroïdie. Le dosage de T3L n’a pas d’intérêt
3) Fonction de l’ étiologie suspectée (auto-immunité) :
Dosage des anticorps anti thyroperoxydase (+++) (TPO) et dosage des anticorps anti thyroglobuline si TPO négatif : La thyroïdite de Hashimoto se définit par la présence d’un goitre associée à la présence d’anticorps anti-TPO à des taux souvent très élevés. Très rarement, en cas de négativité des anti-TPO, la présence des anticorps antithyroglobuline permet d’affirmer le diagnostic.
B) Retentissement biologique de l’hypothyroïdie : Perturbations non spécifiques et non constantes, mais pouvant révéler la maladie :
- Anémie normochrome normocytaire. Des anémies de tout type peuvent être observées, souvent macrocytaires. L’hypothyroïdie peut alors révéler une anémie de Biermer associée dans le cadre d’une polyendocrinopathie auto-immune : l’anémie de Biermer doit être suspectée si la macrocytose ne régresse pas avec le traitement de l'hypothyroïdie.1
- Hypercholestérolémie (LDL) quasi constante en hypothyroïdie patente, plus rarement hypertriglycéridémie (VLDL) par diminution de la dégradation des lipoprotéines ;
- Parfois augmentation des enzymes musculaires (CPK par infiltration des fibres musculaires,) et ASAT
- Hyponatrémie de dilution
C) Examens d’imagerie en cas d’hypothyroïdie :
1) Echographie thyroïdienne :
a) Thyroïdite de Hashimoto :
- Goitre hypoéchogène et hétérogène
- Zones hyperplasiques pseudo-nodulaires hyperéchogènes
- Vascularisation hétérogène
2) Scintigraphie thyroïdienne : aucune indication (+++) en cas d’hypothyroïdie
ETIOLOGIE
A) Hypothyroïdie primaire (ou périphérique) :
Atteinte du parenchyme thyroïdien. Dominée par les causes auto-immunes
1) Thyroïdite auto-immunes (ou chroniques lymphocytaires):
a) Thyroïdite de Hashimoto :
+ Généralités :
- Cause d’hypothyroïdie la plus fréquente
- une fois déclarée la thyroïdite peut s’accompagner dans un premier temps de phases fluctuantes d’hyper et hypo (souvent délicates pour adapter l’hormonothérapie thyroïdienne) mais conduit généralement à un épuisement des ressources hormonales de la thyroïde sur le long terme
- Touche surtout les femmes jeunes
- Infiltration lymphocytaire du parenchyme thyroïdien secondaire à une réaction auto-immune survenant sur un terrain génétique particulier (Anticorps stimulant le récepteur de la TSH, terrain génétiquement prédisposé, associée à d’autres maladies auto-immunes (propositus ou famille), évolue spontanément par poussées suivies de rémissions.
+ Particularités cliniques :
- Goitre ferme et irrégulier
- Peuvent s’associer d’autres atteintes auto-immunes dans le cadre d’une polyendocrinopathie auto-immune : Maladie de Biermer, Vitiligo, Diabète de type 1, Insuffisance surrénalienne ou ovarienne, Maladie coeliaque.
b) Thyroïdite atrophique :
Origine auto-immune mais :
- Absence de goitre
- Anticorps antithyroïdiens moins élevés ou négatifs
- Souvent dans l’évolution d’une thyroïdite de Hashimoto
- Echographie retrouvant une glande de taille normale ou diminuée (selon stade évolutif),
- Hypoéchogénicité diffuse (pauvre en colloïde) et hétérogène
c) Thyroïdite auto-immune du post-partum :
- Rencontrée dans 5% des grossesses
- Absence de goitre
- Phase de thyrotoxicose initiale transitoire (2 mois du post-partum)
- Puis évolution vers l’hypothyroïdie (3 à 6 mois post-partum)
- Souvent transitoire et résolutive dans l’année
- Parfois définitive
2) Thyroïdite non auto-immunes :
a) Thyroïdite subaigüe de De Quervain :
- Affection banale d’origine virale, atteignant généralement toute la glande mais pouvant être localisée
- Etat inflammatoire initial dans un contexte grippal avec goitre dur et douloureux, fièvre et syndrome inflammatoire biologique
- Phase initiale d’hyperthyroïdie (par lyse cellulaire) suivie d’une phase d’hypothyroïdie, puis récupération en 2 ou 3 mois le plus souvent
b) Thyroïdites iatrogènes :
- Secondaire à une réaction inflammatoire du parenchyme thyroïdien :
- Iode : produits de contraste iodés et surtout certains médicaments (amiodarone +++)
- Interféron (hépatites virales)
- Anti-tyrosine kinase (immunothérapie)
- Radiothérapie cervicale (inflammation initiale suivie d’une hypothyroïdie tardive)
3) Causes rares d’hypothyroïdie :
- Carence en iode : étiologie fréquente en zone endémique
- Pathologies infiltratives : amylose, sarcoïdose, hémochromatose
- Hypothyroïdie congénitale : Systématiquement dépisté à la naissance (1/3500) à 72h de vie, en rapport avec athyréose ou trouble de l’hormonosynthèse
B) Hypothyroïdie centrale (insuffisance thyréotrope)
Il s'agit d'un défaut de production de TSH hypophysaire
1) Etiologies à rechercher :
- Compression de la région hypothalamo-hypophysaire par une tumeur → IRM hypophysaire
- Séquelles post-chirurgicale ou post-radiothérapie de tumeurs de la région hypothalamo-hypophysaire
- Séquelles de méningites, traumatisme crânien, hémorragie méningée, apoplexie hypophysaire, nécrose hémorragique hypophysaire du post-partum (syndrome de Sheehan), hypophysite lymphocytaire
2) Biologie : association d’une T4L basse avec une TSH normale ou basse. En cas d’insuffisance thyréotrope, la TSH n’a plus de valeur informative pour équilibrer le traitement
COMPLICATIONS
Essentiellement au nombre de deux :
A) Cardiaque :
- Epanchement péricardique réalisant une péricardite myxoedèmateuse en cas d’hypothyroïdie profonde
- Coronaropathie en partie favoriser par l’hypercholestérolémie de l’hypothyroïdie. Attention lors de l’institution du traitement par hormones thyroïdiennes
B) Coma myxoedèmateux :
- Rare
- Coma calme, hypotonique et hypothermique, hypoTA
- Bradycardie et bradypnée
- Pronostic sombre
PRISE EN CHARGE THERAPEUTIQUE
A) Hormonothérapie thyroïdienne
1) Dispensation :
Commercialisée actuellement sous plusieurs formes :
2) Posologie :
L-Thyroxine (LEVOTHYROX®; EUTHYROX®, THYROFIX®…) :
A des fins substitutives : 1 – 1,5 μg/kg/j en 1 prise le matin, 20 – 30 minutes avant le petit déjeuner.
A des fins frénatrices (cf. cancer thyroïdien) : 2 μg/kg /j
Chez un patient âgé, coronarien ou susceptible de l’être, une hormonothérapie substitutive progressive est préconisée par palier de 12,5 à 25μg tous les 7 jours jusqu’à obtention de la dose théorique.
Risque de coronaropathie d’autant plus marqué que l’hypothyroïdie est profonde et ancienne.
➔ Attention aux risques de malabsorption avec calcium (ex: produits laitiers ou calcidia), sulfate de fer (tardyferon), cholestyramine (questran). L’interférence médicamenteuse (calcium, fer, IPP) ou alimentaire (Lait en particulier) est une cause fréquente et pourtant méconnue de malabsorption de la L-Thyroxine
3) Indications :
1. Toute hypothyroïdie patente
2. Hypothyroïdie fruste selon recommandations :
- Si TSH > 10 mUI/L et anti-TPO positifs : traitement recommandé
- Si TSH < 10 mUI/L et anti-TPO négatifs : surveillance TSH à 6 mois
- Si TSH < 10 mUI/L mais anti-TPO positifs et/ou signes d’hypothyroïdie : traitement au cas par cas
3. Grossesse : pour TSH < 2.5 mUI/L
SURVEILLANCE
A) Surveillance biologique :
En d’hypothyroïdie primaire (périphérique) :
- Seule la TSH présente un intérêt (+++)
- A contrôler 6 à 8 semaines seulement après obtention de la dose théorique ou après toute modification posologique
- Objectif : TSH entre 0,5 et 2,5 mUI/L
En cas d’hypothyroïdie centrale (insuffisance thyréotrope)
- La TSH devient ininterprétable (+++)
- La T4L doit être dans la moitié supérieure de la normale
- La T3L doit être normale
RÉSUMÉ
- L’hypothyroïdie est une condition métabolique définit par une diminution des concentrations circulantes d’hormones thyroïdiennes
- Un dosage élevé de TSH permet d’en faire le diagnostic. T3L et T4L définiront le statut fruste ou non de l’hypothyroïdie
- La principale cause est la thyroïdite chronique lymphocytaire de Hashimoto à prédominance féminine
- L’hormonothérapie par Levothyrox® requiert une surveillance espacée de la TSH uniquement.