Intoxication au Paracétamol

mise à jour
Mise à jour 20/12/2021

INTRODUCTION/GÉNÉRALITÉ

  • Intoxication par toxique lésionnel la plus fréquente en France ; le conditionnement le plus répandu, de 8 grammes, correspond à une dose potentiellement toxique.
  • Il existe schématiquement deux profils différents d’exposition toxique :
    • la forme aiguë avec une seule ingestion à une heure donnée, dans un but suicidaire chez l’adulte ou par méconnaissance du risque chez l’enfant.
    • Une forme avec ingestions répétées et rapprochées (souvent moins de 4 heures) de quantités moindres, le plus souvent à but antalgique.
  • Sa toxicité est peu connue du grand public, pour autant il est la première cause de greffe hépatique dans les pays occidentaux.
  • Aucune forme retard n’est disponible en France, où il existe cependant des formes associées (aspirine, tramadol, poudre d’opium, caféine, pseudoéphédrine, antihistaminique, etc.).

HISTORIQUE

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PHYSIOPATHOLOGIE

  • Non toxique lui-même, le paracétamol est métabolisé principalement par conjugaison hépatique en métabolites conjuguées inactifs et pour une faible part, sous l’effet du cytochrome P450, en une molécule très électrophile, le NAPQI. Ce métabolite est transformé en dérivés soufrés de la cystéine et de l’acide mercapturique lorsque du glutathion, protéine intracellulaire sensible à l’état nutritionnel du sujet, est disponible en quantité suffisante.
  • Lorsque le stock cellulaire en glutathion devient insuffisant, ce dérivé agit comme un radical libre, bloquant la chaîne respiratoire mitochondriale et entrainant des lésions des protéines et des membranes nucléaires et cytoplasmiques. Le foie est l’organe le plus exposé, suivi par le rein et le pancréas. On retient le diagnostic d’hépatite aiguë au paracétamol pour une valeur maximale d’ALAT > 1 000 UI/L.
  • En ingestion unique, le pic d’absorption est à H4. La concentration plasmatique décroît jusqu’à H20-H24 (où elle tend à s’annuler) selon la dose ingérée, plus tardivement en cas d’ingestion massive. La demi-vie d’élimination à dose thérapeutique est < 2 h, une valeur > 4 h signant un risque de toxicité ; en cas d’ingestions répétées, ces données ne sont pas valables. Il est peu éliminé sous forme libre. Le taux de fixation protéique et le volume de distribution ne le rendent pas accessible à l’hémodialyse.
  • Chez le sujet adulte sain, sans trouble nutritionnel et sans autre facteur pouvant moduler la toxicité, le risque d’hépatite débute à 150 mg/kg. L’enfant y est moins sensible, la dose hépatotoxique étant supérieure à 200 mg/kg. Des facteurs peuvent moduler cette toxicité :
    • élévation du risque : éthylisme chronique, dénutrition (y compris jeûne de quelques jours), grand âge, traitement
      antirétroviral, induction du cytochrome P450 (certains antiépileptiques et antituberculeux), ingestion concomi
      tante d’un AINS ;
    • diminution possible du risque en cas d’alcoolisation aiguë.
  • L’évaluation du risque de toxicité à partir de la DSI étant difficile bien qu’il s’agisse d’un toxique lésionnel, on s’en remet à l’utilisation du nomogramme de Prescott et Rümack (figure 1), utilisable exclusivement suite à une ingestion unique à une heure connue. Ce nomogramme propose des lignes de décroissance en fonction du temps de la paracétamolémie, entre H4 et H24, inscrites sur papier semi-logarithmique : les lignes déterminent différentes probabilités de développer une hépatite, la ligne de traitement recommandée en France étant celle débutant à 150 μg/mL à H4, un patient à risque élevé devant être traité si sa concentration se situe au-dessus de la ligne débutant à 100 μg/mL à H4.
Nomogramme de Prescott et Rümack.

 

ÉPIDÉMIOLOGIE

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FACTEURS DE RISQUES

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EXAMEN CLINIQUE

  • L’intoxication est classiquement asymptomatique initialement, qu’il s’agisse d’une exposition unique ou d’ingestions répétées.
  • Des nausées au cours des premières heures signent l’ingestion d’une forte quantité en prise unique ; les formes effervescentes entraînent des vomissements qui annulent le risque d’hépatite.
  • L’hépatite, lorsqu’elle survient, se manifeste après H24 par des nausées puis par un tableau non spécifique.
  • Les formes fulminantes ne sont pas rares, qu’il s’agisse d’une exposition unique ou répétée ; en l’absence de greffe hépatique, le décès est fréquent. Beaucoup plus rarement, une tubulopathie rénale aiguë ou une pancréatite aiguë pourront être symptomatiques.
  • Exceptionnellement, à doses massives, un coma associé à une acidose lactique ou une myocardite aiguë pourront être rencontrés.

EXAMENS COMPLÉMENTAIRES

 

  • Chez un sujet sain, à l’anamnèse non ambiguë et asymptomatique, les paramètres biologiques sont normaux jusqu’à H12 au minimum.
  • En cas de suspicion d’ingestion massive, doser le lactate (veineux) à partir de H6.
  • En cas de doute sur l’horaire d’ingestion, de symptômes digestifs ou de prises multiples, doser d’emblée l’ALAT.
  • En cas de tableau d’hépatite déclarée, doser en plus TP-INR, bilirubinémie, lactatémie et créatininémie. En cas de suspicion d’atteinte viscérale autre, doser la créatinine, la lipase, la troponine.
  • En cas d’ingestion unique à horaire déterminé, la paracétamolémie est interprétable entre H4 et H24 ; la concentration est reportée sur le nomogramme (figure 1) pour évaluer le risque d’hépatotoxicité. En cas de prises multiples, en particulier chez le sujet à risque, doser la paracétamolémie, mais sans la reporter sur le nomogramme : la persistance de paracétamol plasmatique est un facteur prédictif d’hépatite chez les sujets à risque.

DIAGNOSTICS DIFFÉRENTIELS

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ÉTIOLOGIE

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COMPLICATIONS

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PRISE EN CHARGE THÉRAPEUTIQUE

A) Régulation médicale

  • En cas d’intoxication volontaire et quelle que soit la DSI, un transport sur une structure d’urgence doit être organisé ; il n’y a pas lieu de proposer une médicalisation.
  • En cas d’ingestions répétées et en particulier chez le sujet à risque, nécessité également d’une évaluation hospitalière.
  • En cas d’ingestion accidentelle chez un enfant, une DSI < 150 mg/kg en dehors d’un traitement de fond permet de ne pas le faire transporter.
  • Il n’y a pas de prescription à distance à proposer.

B) Traitement médical

Toute tentative de décontamination digestive ou d’épuration est inutile. Le seul traitement est antidotique et repose sur la N-acétyl-cystéine (NAC), en priorité :

  • selon le protocole IV « classique » : 150 mg/kg en 1 h, puis 50 mg/kg en 4 h, puis 100 mg/kg en 16 h, dans du sérum glucosé à 5 %.
  • selon un protocole IV en cours d’évaluation, plus simple et plus court : 100 mg/kg en 2 h dans 200 mL de sérum glucosé à 5 %, puis 200 mg/kg en 10 h dans 1000 mL de sérum glucosé à 5 %.

Le traitement est presque toujours efficace lorsqu’initié avant H10 en cas de prise unique. Ce traitement sera poursuivi en cas d’hépatite (300 mg/kg/j). En cas de non disponibilité de la forme injectable, la forme orale est aussi efficace, les vomissements étant limités par son mélange dans du jus de fruit ou un soda type « cola » ; la posologie est de 140 mg/kg, suivis de 17 doses de 70 mg/kg toutes les 4 heures (traitement de 72 heures).

Les deux situations cliniques précédemment décrites répondent à des indications différentes :

  • ingestion unique, report de la concentration sur le nomogramme : traitement si la concentration se situe au-dessus de la ligne 150 μg/mL à H4, au-dessus de 100 μg/mL si sujet à risque ;
  • ingestions multiples (plus de 10 g les dernières 24 h ou plus de 6 g/j plus de 2 jours, quantités moindres chez un sujet à risque) : traitement si paracétamolémie détectable ou si ALAT élevée.

Deux autres situations doivent être considérées :

  • la présentation tardive (> H24) d’un patient suite à une exposition aiguë : une paracétamolémie détectable ou une élévation de l’ALAT fait poser l’indication de traitement ;
  • une intoxication chez une femme enceinte : à partir du 2e trimestre de grossesse, débuter le traitement immédiatement, puis prendre un avis spécialisé (existence de morts fœtales par hépatite aiguë).

D’une façon générale, dans la forme aiguë et lorsque l’ingestion est hypothétique (cas le plus fréquent) et la prise en charge précoce (avant H6, cas le plus fréquent également), il est possible d’attendre le résultat de la paracétamolémie pour décider de l’initiation ou non du traitement.
Dans les cas difficiles (horaire peu précis, doute sur des prises répétées), dose massive avec hyperlactalémie, un avis spécialisé est utile. Par exemple, le calcul de la demi-vie d’élimination du paracétamol peut être une aide à la décision. Après un premier prélèvement fait après H4 postingestion, un 2e prélèvement est pratiqué 4 heures après le premier : une 2e concentration supérieure à 50 % de la 1re (demi-vie > 4 h) est une indication d’administration de l’antidote (risque élevé d’atteinte hépatique). Le traitement est ainsi initié après le 1er prélèvement et éventuellement interrompu au vu du résultat du 2e prélèvement.

ÉVOLUTION/PRONOSTIC

  • Il est généralement favorable, car les patients se présentent précocement et ne maquillent que très rarement l’anamnèse.
  • En cas d’hépatite fulminante, la mortalité est de l’ordre de 50 %, y compris en cas de greffe hépatique.

PRÉVENTION

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SURVEILLANCE

  • Ils sont cliniques et biologiques : ALAT de façon quotidienne ; TP-INR, bilirubinémie, lactatémie et créatininémie toutes les 8 à 12 h avec avis spécialisé en cas d’hépatite.
  • Il n’y a pas lieu de suivre la concentration plasmatique de paracétamol, sauf co-ingestion d’un médicament fortement ralentisseur du transit chez un patient non traité par NAC.

L’hospitalisation se fait :

  • en UHCD en l’absence d’hépatite déclarée, y compris en cas de décision de traitement ;
  • en USC en cas d’hépatite non sévère, pour poursuite du traitement ;
  • en réanimation en cas d’hépatite sévère, le temps d’organiser au besoin un rapprochement d’un centre de greffe ;
  • en centre de greffe dans l’attente d’une décision de greffe et d’un don d’organe.

CAS PARTICULIERS

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Résumé

  • Penser surtout aux sujets à risque et à la dangerosité des ingestions répétées, grosses pourvoyeuses d’hépatites fulminantes
  • N’utiliser le nomogramme que suite une ingestion unique à un horaire déterminé
  • Traiter au moindre doute

RÉFÉRENCES